MALDI-TOF déshabille toutes les bactéries

Le MALDI-TOF, un appareil utilisé pour l’analyse de grosses molécules, permet l’identification de plus de 92 % des bactéries en un temps record. Deux études de l’Inserm prouvent l’efficacité et la sensibilité de cette technique qui est en passe de remplacer les méthodes d’identification traditionnelles des bactéries.

Plus de 92 % des bactéries peuvent aujourd’hui être identifiées en un temps record grâce à une machine : le spectromètre MALDI-TOF*. Sous ce nom barbare se cache une technique révolutionnaire, fondée sur la détection et l’identification des grosses molécules par mesure de leur masse (la spectrométrie de masse). Cette technique permet d’obtenir un profil cartographique – une sorte de code barre – propre à chaque germe analysé. 

« En pratique, les bactéries isolées chez un malade sont dégradées et les protéines obtenues sont ionisées à l’aide d’un rayon laser pour leur permettre de traverser une colonne de vide. La durée de cette traversée, ou « temps de vol », dépend essentiellement de la masse de chaque protéine. Elle est représentée par un pic. Toutes les espèces ayant leurs propres protéines, chaque profil de pics obtenu est caractéristique d’une espèce », décrit Bernard La Scola** du CHU Timone (Marseille). Il ne reste donc plus qu’à comparer le profil obtenu avec ceux inclus dans une banque de profils mise à jour régulièrement pour obtenir le nom de la souche recherchée. 

Plus rapide et plus efficace

Un peu moins d’une dizaine d’année après le début de l’application de cette méthode à l’identification bactérienne, et moins de 5 ans après son intégration progressive dans les laboratoires de microbiologie, le bilan de son utilisation est glorieux. En passant en revue le travail effectué au cours de ces onze dernières années au Pôle infectieux du CHU Timone de Marseille, Bernard La Scola et ses collaborateurs viennent en effet de montrer que la technique est plus rapide, plus économique, plus efficace et permet de découvrir davantage de nouvelles souches pathogènes que les techniques traditionnelles utilisées jusque-là. 

« En l’absence de MALDI-TOF, les microbiologistes procèdent à une identification dite phénotypique, qui consiste à étudier la forme et les propriétés de la bactérie après l’avoir exposée à différents colorants et fait pousser sur différents substrats, explique Bernard La Scola. Cette technique est laborieuse et pas toujours satisfaisante, laissant planer un doute sur la nature de la bactérie dans environ 30 % des cas. En comparaison, le MALDI-TOF permet de gagner au moins 24 heures pour identifier une souche avec certitude dans plus de 92 % des cas. La machine coûte cher à l’achat, mais comme aucun réactif n’est nécessaire par la suite, cela génère une économie pour les laboratoires », souligne-t-il. 

Le début d’une nouvelle ère

Outre l’intérêt clinique que représentent ces performances, l’utilisation du MALDI-TOF permet d’identifier de nouvelles souches pathogènes : « A chaque nouveau profil protéique, nous savons que nous avons à faire à une nouvelle bactérie. Et cela permet de rattacher l’agent infectieux à la maladie présentée par le patient », explique le chercheur. Les chercheurs fournissent les nouveaux profils aux gestionnaires de banque, pour que chaque laboratoire de microbiologie puisse y avoir accès. 

« Actuellement, environ la moitié des laboratoires hospitaliers et certains laboratoires privés sont équipés d’un appareil MALDI-TOF. A terme, cette nouvelle technique remplacera totalement l’identification phénotypique », conclut le chercheur. 

Notes :
* pour Matrix-Assisted Laser Desorption/Ionisation – Time-Of-Flight mass spectrometry
** Unité 1095 Inserm/CNRS/IRD, Marseille 

Sources :

  • M. Barreau et coll. Improving the identification of anaerobes in the clinical microbiology laboratory through MALDI-TOF mass spectrometry, Anaerobe (2013), édition en ligne du 29 avril 2013
  • P. Seng et coll. Identification of rare pathogenic bacteria in a clinical microbiology laboratory : impact of MALDI-TOF mass spectrometry. J. Clin. Microbiol. édition en ligne du 1er mai 2013