Maladies musculaires : une cible thérapeutique potentielle au cœur de l’horloge biologique

En explorant les multiples processus dans lesquels intervient Rev-erb‑α, une protéine impliquée dans le fonctionnement de notre horloge biologique, des chercheurs ont décrit son rôle déterminant pour la régulation des flux de calcium, et donc pour le bon fonctionnement des cellules musculaires. Une découverte importante qui pourrait conduire au développement de traitements contre certaines maladies ou lésions des muscles.

La contraction des fibres musculaires dépend notamment de la libération de calcium stocké dans une structure spécifique de la cellule musculaire : le réticulum sarcoplasmique. Sous l’action d’un signal nerveux, les ions calcium mis en réserve dans ce compartiment cellulaire se déversent dans le cytoplasme, ce qui déclenche la contraction. Un transporteur situé sur la membrane du réticulum sarcoplasmique, nommé SERCA, recapture ensuite ces ions pour reconstituer le stock. Lorsque ce mécanisme est dysfonctionnel, la contraction musculaire est de moins bonne qualité, voire empêchée. Des chercheurs lillois, en collaboration avec une équipe francilienne, ont identifié un acteur présent dans le noyau des cellules et capable de moduler l’activité de SERCA : le récepteur nucléaire Rev-erb‑α. Cette découverte pourrait ouvrir la voie à des traitements symptomatiques de différentes maladies musculaires, comme la myopathie de Duchenne.

À la croisée des chemins entre horloge biologique et activité musculaire

À Lille, l’équipe d’Hélène Duez étudie le récepteur Rev-erb‑α depuis plusieurs années : « Cette protéine appartient à l’horloge biologique qui régule certaines de nos fonctions physiologiques au cours de la journée. Nous avons déjà décrit qu’elle joue un rôle dans la fonction immunitaire des macrophages, mais également dans le métabolisme des lipides et la régulation de la glycémie. En conduisant ces travaux, nous avons observé que les souris étaient physiquement très actives lorsque l’expression du gène codant pour le récepteur Rev-erb‑α était stimulée, alors qu’elles courraient moins longtemps et moins vite lorsqu’il était réprimé. Nous avons donc voulu comprendre comment Rev-erb‑α influence la fonction musculaire, en condition normale ou pathologique », résume la chercheuse.

« L’activité de SERCA est normalement inhibée par une petite protéine, la myoréguline. Dans ce travail, nous avons observé que Rev-erb‑α réprime l’expression du gène codant la myoréguline », poursuit Steve Lancel, qui a codirigé l’étude. En utilisant une molécule capable de stimuler Rev-erb‑α, les chercheurs ont ensuite montré qu’il était possible d’augmenter l’activité de SERCA et d’accroître la concentration calcique dans le réticulum sarcoplasmique. Ces effets étaient associés à une amélioration de la contractilité musculaire chez des souris en bonne santé ou malades, qui modélisent la myopathie de Duchenne, ainsi qu’une amélioration de la contractilité de cellules musculaires issues de patients atteints par cette même maladie. « La myopathie de Duchenne, la plus connue des myopathies d’origine génétique, est liée à une mutation du gène de la dystrophine. L’anomalie de cette protéine de structure conduit à la détérioration, puis à la destruction progressive des fibres musculaire. Aussi, la maladie n’est pas directement associée à une dysfonction liée au calcium. Mais la preuve de concept que nous avons obtenue – in vitro avec les cellules musculaires humaines issues de personnes malades et in vivo avec les souris modélisant la maladie – permet de penser que la modulation de l’activité de Rev-erb‑α pourrait peut-être aider à améliorer la fonction résiduelle des fibres musculaires encore fonctionnelles dans l’organisme des patients »,explique le chercheur. Avant d’envisager cette application, il est toutefois nécessaire de savoir si moduler l’activité de Rev-erb‑α a un impact sur les autres voies biologiques dans lesquelles le récepteur intervient. « Étant donné son rôle ubiquitaire, il faut être prudent, insiste Hélène Duez. Mais on peut imaginer qu’un agoniste de Rev-erb‑α ne passant pas la barrière étanche qui protège le cerveau pourrait limiter cet écueil. »

De potentielles perspectives au-delà des maladies musculaires

En outre, d’autres mécanismes physiopathologiques pourraient être mieux compris et résolus grâce à cette découverte. « Le temps de récupération et de guérison d’une lésion musculaire, liée à une toxine ou à une blessure, est plus court la journée que durant la nuit. Cela pourrait s’expliquer par l’expression circadienne de Rev-erb‑α », indique la scientifique. Les prochaines expérimentations de son équipe visent à décrire le processus précis liant le récepteur et la réparation tissulaire.

D’autres travaux sont aussi en cours afin de mieux comprendre les mécanismes cellulaires impliqués dans l’amélioration de la contractilité musculaire permise par Rev-erb‑α. Ce récepteur est en effet également connu pour améliorer la fonction des mitochondries, ces organites qui gèrent la production d’énergie au sein des cellules. « Nous voulons étudier comment s’articulent la libération de l’énergie mitochondriale et les mécanismes que nous venons de décrire. » S’ils identifient des voies biologiques qui contrôlent l’interaction entre les mitochondries et le réticulum, les mécanismes physiopathologiques d’autres maladies, comme la maladie du foie gras caractérisée par des dysfonctions entre les deux organites, pourraient être mieux compris.


Hélène Duez dirige l’équipe Récepteurs nucléaires et rythmes circadiens en physiopathologie (unité 1011 Inserm/Institut Pasteur/Université de Lille/CHU de Lille). Steve Lancel est enseignant-chercheur au sein de la même unité.


Source : A Boulinguiez et coll. NR1D1 controls skeletal muscle calcium homeostasis through myoregulin repression. JCI Insight du 8 septembre 2022. DOI : 10.1172/jci.insight.153584

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