Maladies liées à l’âge : et si des défauts de repli des protéines étaient en cause ?

La compréhension de la chimie du vieillissement et des maladies associées progresse : de nouveaux travaux suggèrent en effet que ces maladies résulteraient d’anomalies de repli des protéines, exposant ces dernières à l’oxydation et modifiant leur fonctionnement.

Pourquoi le vieillissement, qui n’est pas une maladie en soi, est-il associé à tant de pathologies – cancers, maladies cardiovasculaires, neurodégénératives ou encore auto-immunes ? Il doit bien exister des mécanismes biologiques sous-jacents qui font qu’avec l’âge, le risque de développer ces maladies augmente. 

Les espèces réactives oxygénées (ROS) résultant des réactions du métabolisme énergétique, ont souvent été pointées du doigt. Elles oxydent des composants cellulaires et abîment progressivement les cellules. Mais pour Miroslav Radman*, Grand prix Inserm 2003, leur responsabilité dans l’apparition des pathologies du vieillissement dépendrait de la résistance des protéines à l’oxydation. 

Dans les faits, la majorité des protéines sont repliées sur elles-mêmes, de telle sorte qu’elles sont protégées de ce phénomène. Toutefois, le moindre défaut dans leur structure peut les rendre vulnérable à l’oxydation. Or d’après une analyse de la littérature scientifique suivie d’une série d’expériences, Miroslav Radman estime que de tels défauts résultent du polymorphisme génétique : ils varient donc d’une personne à l’autre, ce qui expliquerait la différence de susceptibilité des individus face au vieillissement. 

« Le polymorphisme génétique, ce sont ces variations génétiques qui font que nous avons tous un ADN différent. D’après les estimations, sur 20 000 espèces protéiques, il y aurait 30 000 acides aminés différents d’un individu à un autre [les acides aminés étant les briques qui forment les protéines], explique Miroslav Radman. La plupart de ces différences sont des mutations silencieuses qui n’entraînent pas de maladie à la naissance. Mais avec les décennies, elles ne sont pas toujours sans conséquence ». En effet, certaines sont associées une variabilité du temps de repli de la protéine sur elle-même après sa production. Et si ce délai est allongé, il y a un risque d’oxydation de certains acides aminés, avant que la protéine n’ait adopté la forme définitive qui la protège. Cette oxydation précoce bloque le repli de la protéine, « la paralyse », comme dit Miroslav Radman. Cela peut alors modifier son activité et entraîner des défauts de fonctionnement. 

Une association entre oxydabilité des protéines et précocité d’apparition des maladies liées à l’âge

Miroslav Radman a confirmé ces hypothèses in vitro. Avec Anita Krisko, de l’Institut méditerranéen des sciences de la vie à Split en Croatie, il a étudié ce phénomène en lien avec la maladie de Parkinson. Cette pathologie est liée à des anomalies de la protéine alpha-synucléine. Les chercheurs ont regardé l’impact du polymorphisme de cette protéine sur son taux de malformation. « Deux variations associées à la maladie de Parkinson ont été décrites : l’une au niveau de l’acide aminé 53 et l’autre en position 30. Elles sont respectivement associées à l’apparition de la maladie aux âges d’environ 30 ans et de 50–60 ans en moyenne ». En purifiant les protéines issues des gènes portant ces variations et en les exposant à des agents oxydants puissants, Miroslav Radman et Anita Krisko ont constaté que la protéine issue de la variation 53 était davantage mal formée et oxydée que celle portant la variation 30. Donc, au moins dans cet exemple, l’oxydabilité de la protéine est bien associée la précocité de la maladie. 

La bonne nouvelle c’est que le niveau d’oxydation des protéines est réversible grâce, entre autres, au renouvellement des protéines. Cela ouvre la possibilité de prévenir, voire de guérir certaines maladies. « Administrer des molécules capables de se fixer sur les protéines mal pliées peut les protéger de l’oxydation », clarifie Miroslav Radman. Ce dernier a testé cette approche sur des cellules de peau prélevées chez des personnes âgées : il a bien obtenu une réduction de l’oxydation de leurs protéines et un rajeunissement de ces cellules. Elles retrouvaient en effet une morphologie plus jeune, une meilleure capacité de division en culture, et présentaient une réduction de marqueurs du vieillissement (SA-βgal, p16ink4). A terme, il espère en faire une stratégie préventive et thérapeutique contre les maladies liées à l’âge.

Note :
* unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Descartes, Institut Cochin, Professeur émérite à l’Université Paris-Descartes et fondateur de l’Institut Méditerranéen des Sciences de la Vie (MedILS, Split, Croatie) 

Source : Krisko A, Radman M. Protein damage, ageing and age-related diseases. Open Biol ; 9(3):180249. https://doi.org/10.1098/rsob.180249