Maladies infectieuses émergentes : la recherche ne faiblit pas

En 2022, les maladies infectieuses sont restées sur le devant de la scène. Pour mieux prévenir et combattre ces pathologies, l’Inserm – à travers l’institut thématique Inflammation, immunologie, infectiologie et microbiologie et l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes – a déployé de nombreux efforts en France, aussi bien sur la compréhension des pathologies et les traitements que sur les diagnostics.

Un article à retrouver dans le rapport d’activités 2022 de l’Inserm

Si la Covid a commencé à se « normaliser », avec une levée progressive des restrictions sanitaires en 2022, à l’Inserm, la recherche sur cette infection et d’autres maladies infectieuses émergentes et ré-émergentes n’a pas ralenti... Rappelons qu’une maladie est dite « émergente » si elle n’a jamais été signalée par une autorité sanitaire ou si elle est due à l’évolution d’un agent pathogène déjà référencé. Une pathologie ré-émergente correspond, elle, à une maladie identifiée qui connaît une forte hausse de sa prévalence ou qui survient dans une nouvelle région. Depuis 50 ans, le rythme d’apparition d’épidémies liées à ces maladies s’est fortement accéléré.

À l’Inserm, la recherche sur ces pathologies est coordonnée par son agence dédiée : l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes (ANRS | MIE). Créée le 1er janvier 2021, celle-ci est née de la fusion de deux structures : l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) – qui a piloté pendant 32 ans la recherche dans ces domaines, puis également sur les autres infections sexuellement transmissibles et la tuberculose – et le consortium d’équipes et de laboratoires multidisciplinaires REACTing – qui coordonnait depuis 2013 la recherche française sur les maladies infectieuses émergentes (Ebola, Zika, Covid-19...). Installée depuis février 2022 au PariSanté Campus, « l’ANRS | MIE a pour mission de coordonner, d’animer et de financer la recherche sur les maladies infectieuses ciblées jusque-là par l’ANRS et REACTing », précise Yazdan Yazdanpanah, directeur de l’agence.

Une dynamique nouvelle de soutien à la recherche sur les émergences

En pratique, l’ANRS | MIE travaille étroitement avec plusieurs autres agences publiques impliquées dans le champ des maladies infectieuses émergentes, dont Santé publique France, chargée de réaliser une veille sanitaire au niveau national. Le tout, en articulation avec le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (Covars), successeur du Conseil scientifique Covid formé en mars 2020 pour faire face à la pandémie. Mis en place en septembre 2022 et dirigé par Brigitte Autran, chercheuse émérite dans une unité Inserm à Paris, « le Covars est une structure de veille et d’alerte sanitaire qui surveille non seulement la Covid, mais aussi tous les risques sanitaires d’importance, liés à des agents infectieux, à des polluants environnementaux et alimentaires, ou au changement climatique (pesticides, inondations...) », développe Rémy Slama, directeur de l’institut thématique Santé publique de l’Inserm et membre du Covars, aux côtés de 18 autres scientifiques, dont plus de la moitié travaille dans des laboratoires Inserm.

Pour mener à bien ses missions, l’ANRS | MIE a bénéficié en 2022 d’une enveloppe de 73 millions d’euros, contre 40 millions pour l’ex-ANRS. « Il était important d’augmenter notre budget global pour couvrir les actions qui touchent aux maladies infectieuses émergentes sans puiser dans les fonds octroyés historiquement aux seules infections ciblées par l’ex-ANRS (VIH, hépatites...) », insiste Yazdan Yazdanpanah. Pour relever ce défi, l’ANRS | MIE a pu compter sur un nouveau dispositif de financement, très ambitieux : l’un des Programmes et équipements prioritaires de recherche, centré sur les maladies infectieuses émergentes (PEPR MIE) et doté de 80 millions d’euros pour trois à cinq ans. Coordonné par l’Inserm au travers de l’agence, « ce programme s’inscrit dans une stratégie nationale d’accélération conçue pour aider la France à se préparer et à répondre rapidement aux potentielles crises sanitaires majeures à venir. Il finance des recherches destinées à accroître les connaissances sur les agents infectieux émergents et les mécanismes via lesquels ils altèrent la santé, à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques susceptibles de mener à de nouveaux médicaments, ou encore à développer des vaccins et des outils diagnostiques », détaille Hervé Raoul, directeur adjoint de l’ANRS | MIE.

La Covid, toujours une priorité pour la recherche Inserm

En 2022, l’Inserm et l’ANRS | MIE ont porté divers travaux de ce type, ciblant plusieurs maladies spécifiques. Au premier rang de celles-ci : la Covid. Car si la pandémie a faibli, « nous ne sommes pas à l’abri de l’apparition de nouveaux variants qui pourraient s’avérer plus dangereux qu’Omicron », fait remarquer Claire Madelaine, responsable du département Soutiens structurants à la recherche, à l’ANRS | MIE. Un des enjeux majeurs ici consiste à maintenir la surveillance et la recherche concernant la circulation et l’évolution génétique du virus responsable de la Covid, le SARS-CoV‑2, à travers le séquençage. Cela, pour détecter l’émergence et la distribution spatiotemporelle des variants, mais également mieux caractériser ces derniers et leur impact en matière de santé publique. C’est le but d’Emergen. Lancé en janvier 2021 et coordonné par Santé publique France et l’ANRS | MIE, « ce consortium a été très actif en 2022 », observe Claire Madelaine. En articulation étroite avec ses activités de surveillance, Emergen développe et soutient égale- ment des projets de recherche. « Ceux-ci ont notamment pour objectif d’estimer la transmissibilité des nouveaux variants détectés ainsi que leur pathogénicité, en particulier leur capacité à induire des formes sévères de la maladie, et d’évaluer l’efficacité de traitements et de vaccins ainsi que l’apparition éventuelle de résistances », précise Claire Madelaine.

Autre front de lutte pour la recherche Inserm et l’ANRS | MIE, le Covid long reste une maladie mal comprise, caractérisée par la persistance ou l’apparition de symptômes plus de trois mois après l’infection, contre normalement deux à trois semaines maximum. « Grâce à un appel à projets en deux phases, lancé en novembre 2021 puis en février 2022, l’ANRS | MIE a sélectionné puis financé 27 projets de recherche sur cette maladie, pour un total de près de 10 millions d’euros, se réjouit Claire Madelaine. Beaucoup d’entre eux visent à mieux comprendre l’épidémiologie, les mécanismes physiopathologiques ou encore la dimension sociale du Covid long. Quelques-uns ont pour but de tester des interventions afin d’améliorer la prise en charge des patients. »

La variole du singe, l’autre menace qui a mobilisé

Mais en 2022, une autre maladie infectieuse émergente a inquiété en France : la variole du singe, ou mpox, due au virus monkeypox. Létale dans environ 3 cas sur 10 000 en 2022 selon l’institut Pasteur, cette infection connue depuis 1970 était jusque-là surtout limitée à l’Afrique de l’Ouest et à l’Afrique centrale. Mais à partir de mai 2022, elle a touché plusieurs milliers de personnes en Europe et en Amérique. Pour répondre rapidement à cette nouvelle menace, l’ANRS | MIE a activé un programme de recherche d’urgence. « En quelques jours, nous avons réuni un groupe d’experts pour définir les priorités scientifiques. Et dès juin 2022, nous lancions un appel à projets, qui a permis de soutenir dix projets », détaille Éric D’Ortenzio, responsable du département Stratégie et partenariats de l’ANRS | MIE. Parmi eux : l’étude Mosaic prévue dans dix pays européens, dont la France. Initiée en à peine quelques semaines, elle vise à collecter des données sur les symptômes et les réponses aux traitements des patients pris en charge par les hôpitaux participants. Avec deux buts majeurs : mieux comprendre cette maladie et mieux traiter les patients. Dans l’attente, il existe un vaccin pré- et post-exposition efficace, recommandé pour les personnes à risque, et des traitements symptomatiques.

Enfin, un autre fait majeur de la recherche contre les maladies infectieuses émergentes à l’Inserm a marqué 2022 : la sélection du Consortium d’accélération et de transfert pour la réponse aux infections émergentes et aux menaces (Catriem), à la suite d’un appel à projets du plan France 2030, qui vise à rattraper le retard industriel français. Porté entre autres par Inserm Transfert, la filiale de l’Institut chargée de la valorisation et des innovations, « Catriem entend booster les projets d’innovation à fort potentiel issus de la recherche publique et les faire avancer vers le transfert industriel, pour permettre leur transformation en technologies au service de la société », précise Claire Madelaine.

Ainsi en 2022, loin de faiblir, la riposte contre les maladies infectieuses émergentes à l’Inserm et à l’ANRS | MIE est restée très active. À la hauteur des espoirs qui la portent : mieux gérer et anticiper les crises qui pourraient survenir dans le futur.

De nombreuses initiatives à l’international

La recherche sur les maladies infectieuses émergentes ne s’arrête pas aux frontières de la France ! « Comme la majorité des émergences surviennent en Afrique et en Asie, il est indispensable de mener des actions à l’international », martèle Éric D’Ortenzio, responsable du département Stratégie et partenariats à l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes. Au travers de son agence dédiée à ces pathologies, l’Inserm est impliqué dans plusieurs collaborations de ce type. C’est le cas de Prevac-up, lancé en 2017 et qui a publié des résultats prometteurs fin 2022. Co-financé par l’Inserm, l’ANRS | MIE et la Commission européenne, il évalue l’innocuité et l’efficacité à long terme de deux vaccins contre Ebola, une infection mortelle dans 25 à 90 % des cas, qui a longtemps sévi surtout en Afrique centrale avant de toucher également l’Afrique de l’Ouest depuis 2013.

Toujours concernant l’Afrique, la signature d’une convention multipartite impliquant entre autres l’Inserm et l’ANRS | MIE, en mai 2022 à Conakry, en Guinée, actait la création d’une plateforme de recherche internationale en santé mondiale (Prisme) consacrée notamment aux maladies infectieuses émergentes. Ses objectifs : développer des projets de recherche sur ces pathologies, améliorer la formation à la recherche clinique et renforcer les capacités humaines, techniques et scientifiques en Guinée.

Autre exemple important : l’essai Integrate, qui vise à évaluer pour la première fois à grande échelle l’innocuité et l’efficacité de différents médicaments contre la fièvre de Lassa, un véritable fléau dans l’ouest du continent africain, qui tue 15 à 20 % des patients hospitalisés. « Prévu sur 200 malades pour chacun des traitements évalués, l’essai commencera au Nigéria au début de 2024, avant d’être étendu au Libéria, à la Guinée et au Bénin », précise Éric D’Ortenzio.

À l’échelle européenne cette fois, le projet Be Ready lancé en septembre 2022 entend créer un partenariat pour améliorer la capacité des États membres à se préparer et à répondre aux menaces infectieuses émergentes. Coordonné par l’ANRS | MIE et l’Inserm, « Be Ready devrait permettre de développer une stratégie de réponse aux épidémies, au niveau européen et non plus seulement national », indique Hervé Raoul, directeur adjoint de l’agence. De quoi permettre à l’Union européenne de mieux coordonner ses efforts en cas de nouvelle crise sanitaire.

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