Maladies chroniques : accompagner le passage de la pédiatrie aux services pour adultes

La plateforme AD’venir de l’hôpital Robert Debré à Paris aide les jeunes patients atteints de maladie chronique dans leur transition des services pédiatriques vers ceux dédiés aux adultes. L’objectif ? Les préparer à une organisation et à une communication différentes, mais aussi à gagner en assurance et en autonomie, pour conserver les meilleures chances de contrôler de leur maladie.

Pour les jeunes atteints de maladies chroniques et suivis en milieu hospitalier, la transition des services de pédiatrie à ceux qui prennent en charge les adultes peut s’avérer délicate. Alors que les premiers sont protecteurs, associent largement les parents et organisent les soins, les seconds comptent sur l’autonomie et la responsabilité des patients. Lorsqu’elle est « ratée », cette transition entraîne une perte de chance : « Cette période est souvent compliquée. Elle induit une perte de repères dans le parcours de soins, avec des changements d’interlocuteurs, un langage parfois inadapté de la part de médecins habitués à recevoir des adultes, une évolution du mode de vie qui met à mal le suivi thérapeutique... Il existe un risque réel de rupture des traitements associée à une aggravation de l’état de santé – l’apparition de complications de long terme ou un rejet de greffe pour les personnes transplantées – et à une surmortalité », résume Hélène Mellerio*, pédiatre et médecin d’adolescents à l’hôpital Robert Debré à Paris. On parle ici de jeunes patients qui souffrent de maladies souvent lourdes, nécessitant des traitements quotidiens comme le diabète de type 1, la mucoviscidose, la maladie de Crohn, la drépanocytose, l’infection au VIH ou encore des malformations.

Anticiper les situations à risque

Plusieurs dispositifs ont été expérimentés pour faciliter cette transition, dont celui mis en place depuis le service de médecine de l’adolescent de l’hôpital Robert Debré à Paris : la plateforme AD’venir. Une équipe de quatre personnes, dont deux médecins spécialistes de l’adolescence, y propose des consultations de préparation, des ateliers collectifs, des entretiens psychologiques ou encore des rendez-vous avec un conseiller d’orientation. La consultation de préparation à la transition permet notamment à l’adolescent de rencontrer un médecin sans ses parents, pendant environ une heure, pour aborder tous les aspects de ce changement, et plus largement toutes les questions d’adolescents, sous le prisme de la maladie chronique. « Nous discutons d’une grande variété de sujets médicaux et personnels : l’histoire du jeune, la représentation qu’il ou elle a de sa maladie, ses risques à long terme, sa fertilité, sa fatigue, ses études, ses craintes et ses attentes pour l’avenir, sa vie affective et familiale… On essaye d’anticiper les situations potentiellement à risque de décrochage des soins pour les accompagner de manière personnalisée, en collaboration avec les équipes référentes. Il y a toujours des aspects qui permettent de mobiliser l’adolescent et de l’intéresser », estime Hélène Mellerio.

Une évaluation toujours en cours

L’équipe espère bien apporter des preuves validées du bénéfice de cette structure sur la santé des jeunes adultes, « mais cela nécessite de former une cohorte de taille suffisante, suivie à long terme, et de la comparer avec d’autres qui bénéficient de dispositifs différents », rappelle-t-elle. La plateforme AD’venir et l’unité de recherche Épidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables*, viennent d’obtenir un financement de l’Institut pour la recherche en santé publique pour réaliser cette d’évaluation (projet Nomad). En parallèle, l’équipe AD’venir, en collaboration avec la sociologue Agnès Dumas, vient de publier une étude qualitative sur l’apport des consultations de préparation à la transition. Une trentaine ont été enregistrées et analysées par une équipe interdisciplinaire : médecins, sociologie, chercheur en santé publique, psychologue. Les adolescents reçus ont également répondu à une enquête téléphonique deux ans après. Il apparaît que cette consultation leur a appris à mettre des mots sur leur maladie, alors que certains n’osaient même pas la nommer. Ils s’y sont confiés sur leur fatigue, leurs douleurs, leurs renoncements, les séquelles physiques de leur maladie, et même sur leurs relations amoureuses et leur sexualité. Ils ont mieux compris les modalités et le calendrier du transfert des services pédiatriques vers les services pour adultes. Deux ans après la consultation, beaucoup expriment leur satisfaction et aucun n’a été perdu de vue. Les médecins qui ont adressé ces patients à la consultation ont eux-mêmes répondu à un questionnaire et attestent d’un gain de maturité et d’autonomie des jeunes. « Ces premières évaluations soulignent la pertinence de ce dispositif inédit de consultation de préparation à la transition. Ils pourraient encourager d’autres centres à le mettre en place ! Nous sommes d’ailleurs prêts à les aider dans cette démarche », encourage Hélène Mellerio.

Note :
* Plateforme de transition AD’venir, unité de médecine d’adolescent, Hôpital Robert Debré AP-HP et unité 1123 Inserm/Université Paris Cité, Épidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables (Eceve), Paris

Source : H Mellerio et coll. Are transition preparation consultations for adolescents with chronic conditions valuable ? A mixed-methods study. Eur J Pediatr, édition en ligne du 10 mai 2022. DOI : 10.1007/s00431-022–04473‑0

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