Des lymphocytes anesthésiants en cas d’inflammation intestinale

Les lymphocytes T CD4+, coupables d’inflammation intestinale, possèdent un effet antalgique local lié à une production d’opioïdes très efficaces.

Les lymphocytes T responsables d’inflammation intestinale réduisent localement la douleur. Ils secrètent en effet des opioïdes extrêmement efficaces, qui anesthésient le site enflammé. Si cet effet soulage, il empêche néanmoins d’alerter sur l’apparition de lésions concomitantes à l’inflammation. C’est ce que viennent de montrer des chercheurs de l’Inserm à l’issue de travaux conduites chez la souris. 

La production de molécules antalgiques par des cellules immunitaires n’est pas surprenante : ce phénomène était déjà connu pour des neutrophiles et des monocytes. De plus, les chercheurs avaient déjà repéré l’existence d’une sécrétion d’opioïdes par les lymphocytes T CD4+. Dans le cadre de cette nouvelle étude, leur objectif était donc d’évaluer in vivo le niveau et les conséquences de cette production en cas d’inflammation intestinale. 

« Les cellules T sont responsables d’inflammation lorsque leur réponse contre la flore intestinale n’est plus régulée. La reconnaissance d’antigènes microbiens par le système immunitaire provoque leur recrutement sur place et génère une inflammation nécessaire à l’élimination de ces antigènes », explique Gilles Dietrich, co-auteur des travaux. Ainsi, en injectant des cellules T CD4+ à des souris dépourvues de système immunitaire, les chercheurs ont déclenché une inflammation locale. Ils ont ensuite recherché la présence d’opioïdes et évaluer leur effet antalgique. Les mêmes examens ont été réalisés sur un groupe de souris témoins, sans inflammation intestinale. 

Des opioïdes qui diminuent la sensibilité intestinale

Cette expérience a permis de mettre en évidence la présence locale d’opioïdes produits par les cellules T CD4+. Aucune des autres cellules testées sur le site de l’inflammation, cellules épithéliales ou encore macrophages, ne synthétisent ces molécules antalgiques. Les chercheurs ont ensuite évalué la sensibilité intestinale des animaux grâce au test de la distension colorectale : en gonflant un petit ballon dans le côlon des animaux et en enregistrant les signaux électriques générés sur les muscles abdominaux, ils ont pu estimer la douleur ressentie par les souris. Ils ont constaté que l’inflammation intestinale n’était pas douloureuse. Le seuil à partir duquel les animaux traités ressentaient une douleur était même plus élevé que celui enregistré chez les animaux témoins. 

« L’effet de ces opioïdes est très important. Il peut paraître profitable pour les personnes touchées par une inflammation locale, par exemple dans la maladie de Crohn, mais ce phénomène est pernicieux : sans douleur, il est difficile de détecter la présence d’une inflammation. Or, celle-ci risque d’entrainer des lésions qui peuvent s’étendre progressivement. Cet effet peut donc retarder le diagnostic », explique Gilles Dietrich. « Ces travaux ouvrent par ailleurs des perspectives thérapeutiques : il serait intéressant d’exploiter cette voie opioïde locale pour éviter l’usage systémique de morphine, avec les effets de dépendance que l’on connaît », suggère-t-il.

Note

*Unité 1043 Inserm/CNRS Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan 

Source

J. Boué et coll., Endogenous Regulation of Visceral Pain via Production of Opiods by Colitogenic CD4+ T Cells in Mice. Gastroenterology du 17 septembre 2013