Locomotion : quand la génération du mouvement augmente la vitesse de déplacement

La locomotion est modulée par les informations sensorielles provoquées par le mouvement lui-même. Difficile à étudier avec des méthodes classiques, la manière dont s’opère ce rétrocontrôle reste mal connu. Afin d’y remédier, l’équipe de de Claire Wyart a déployé des méthodes optiques, permettant de mesurer l’impact des messages nerveux sensoriels chez des larves de poisson zèbre. Les données obtenues montrent que ces stimuli augmentent la vitesse de déplacement des larves. De plus, elles mettent en évidence une nouvelle voie neuronale qui peut expliquer ce phénomène.

La locomotion des organismes doit être ajustée via des stimulations mécanosensorielles activées pendant le mouvement. Les études antérieures de ce phénomène reposaient sur des mesures de la locomotion fictive, sur des animaux paralysés ou disséqués de manière à ce que leurs muscles ne se contractent plus. Mais dans ces conditions, on ne peut bien évidemment pas mesurer le recrutement des informations sensorielles générées par le mouvement. 

Étudier l’activité neuronale des larves de poisson zèbre pendant leurs déplacements

L’équipe de Claire Wyart* a donc développé de nouvelles approches afin de comprendre comment les stimulations mécanosensorielles, induites par les contractions musculaires lorsqu’un organisme se déplace, modifient en retour la locomotion. Les chercheurs ont travaillé sur des larves de poisson zèbre, un organisme modèle transparent qui offre l’avantage d’adopter un comportement de fuite stéréotypé en réponse à un signal acoustique. 

Au sein de l’équipe, Steven Knafo et ses collaborateurs ont étudié comment les neurones mécanosensoriels de la moelle épinière sont recrutés par les contractions musculaires et transmettent des informations au cerveau lors d’un déplacement. En utilisant un senseur d’activité neuronal bioluminescent nommé l’Aequorin, Steven Knafo a observé que l’activité des motoneurones pendant le mouvement était plus importante que lorsque le mouvement était bloqué par des agents pharmacologiques ou des mutations musculaires. 

Par ailleurs, Andrew Prendergast et Brian Tseng ont comparé le comportement de larves intactes à celui d’autres larves chez lesquelles les informations sensorielles de rétrocontrôle étaient inhibées par la toxine botulique. Cette approche a révélé que l’activité des neurones mécanosensoriels pendant le mouvement augmentait la vitesse de déplacement. 

Une dernière expérience a permis de monter qu’un circuit neuronal pourrait expliquer cet effet. Kevin Fidelin, ancien doctorant de l’équipe, a en effet mis en évidence une connexion synaptique entre un type de neurones mécanosensoriels et les neurones spinaux qui contrôlent la vitesse de locomotion. 

Une explication nouvelle d’observations de longue date

Pour Andrew Prendergast et Claire Wyart, la conclusion importante de cette étude réside dans le fait que « la locomotion produite est fortement influencée par le mouvement lui-même. Il est ainsi nécessaire de revisiter les résultats obtenus sur des préparations ou la contraction musculaire était empêchée ».

Le fait qu’un mouvement stimule en retour la vitesse de déplacement pourrait avoir une importance d’un point de vue évolutif : en permettant au poisson zèbre de parcourir une distance plus importante en un temps plus court, cela lui donne la possibilité d’échapper plus facilement aux prédateurs, et ainsi d’améliorer ses chances de survie. 

Par ailleurs, ces résultats confirment les résultats d’études anciennes, mises en œuvre chez des organismes vertébrés ou invertébrés, qui montraient que la locomotion était plus rapide en conditions réelles plutôt que dans des conditions fictives. 

Note

* unité 1127 Inserm/CNRS/UPMC, Institut du cerveau et de la moelle épinière, Paris 

Sources

S Knafo et coll. Mechanosensory Neurons Control the Timing of Spinal Microcircuit Selection during Locomotion. Elife, édition en ligne du 17 juin 2017