Un lien entre endométriose et fausses couches ? Cette fois, c’est sûr !

En écho à la 12e semaine européenne de l’endométriose s’est tenue du 12 au 19 mars derniers, une étude française menée sur 750 femmes révèle que cette pathologie gynécologique négligée augmente significativement le risque de fausses couches.

Vagin, ovaires, vessie, rectum... Autant d’organes pouvant être affectés par l’endométriose, une pathologie gynécologique provoquant des lésions inflammatoires. En cause : l’invasion de ces organes par du tissu de la muqueuse utérine (endomètre). Touchant près d’une femme sur dix, la maladie peut générer de fortes douleurs pelviennes, voire une infertilité. Jusqu’ici, il y avait débat sur le possible lien entre endométriose et sur-risque de fausses couches. Les rares études sur le sujet étaient peu précises et contradictoires. Mais une nouvelle étude épidémiologique de grande ampleur, menée sur plusieurs centaines de femmes, ne laisse aujourd’hui plus de place au doute. 

Concrètement, cette étude a porté sur 750 femmes ayant déjà été enceintes. Toutes se rendaient à l’hôpital Cochin, dans le service de gynécologie dirigé par le Pr Chapron, pour une opération gynécologique bénigne. À l’occasion de cette opération, leur chirurgien en avait profité pour vérifier si elles souffraient d’endométriose, via la recherche des lésions caractéristiques provoquée par la maladie sur les tissus de la cavité pelvienne. Les résultats de cet examen diagnostic ont montré que 284 d’entre elles étaient endométriosiques, les 466 autres étant indemnes de la maladie. 

10% de fausses couches en plus

Les chercheurs se sont alors plongés dans les résultats du questionnaire préopératoire où ces femmes avaient notamment indiqué leurs éventuels antécédents de fausse couche, comment s’étaient passées leurs grossesses, si elles avaient souffert d’épisodes d’infertilité, eu recours à la fécondation in vitro… Au total, l’équipe a ainsi du analyser les données relatives à 478 grossesses pour le groupe « endométriose » et 964 pour le groupe contrôle. 

Bilan de cette analyse poussée ? Sur les 487 grossesses du groupe « endométriose », 139 avaient abouti à une fausse couche (soit 29,1%), contre seulement 19,4% dans le groupe contrôle (187 fausses couches sur 964 grossesses)... un écart de près de 10% ! « Nous avons mis clairement en évidence l’existence d’un sur-risque de fausse couche précoce au premier trimestre de grossesse en cas d’endométriose », résume le Dr Pietro Santulli*, premier auteur de l’étude. 

Une fois obtenu ce premier résultat édifiant, les chercheurs ont évincé les principaux biais possible susceptibles d’expliquer cet écart. Parmi eux, d’éventuels épisodes d’infertilité antérieurs. Pour en avoir le cœur net, l’équipe a donc refait le calcul en intégrant ce critère. Résultat : que ce soit dans le groupe « jamais d’infertilité » ou le groupe « épisodes d’infertilité d’au moins un an par le passé », le taux de fausses couches était toujours plus élevé chez les endométriosiques : 19,6% versus 12,3% dans le premier groupe et 52,6% vs 30,2% dans le second. 

Explorer les mécanismes biologiques sous-jacents

« Cette étude est une première étape qui devrait susciter d’autres études fondamentales et cliniques sur l’impact de l’endométriose en cas de grossesse », lance Pietro Santulli. Un vœu déjà exaucé : un programme de recherche piloté par le Dr Louis Marcellin a démarré à l’hôpital Cochin. Il porte sur près de 1 500 femmes et vise à étudier l’impact de l’endométriose sur différents paramètres de la grossesse (dont les risques de prématurité), et vice-versa... En effet, on s’est rendu compte que la grossesse peut améliorer les symptômes des femmes endométriosiques. 

Le chercheur et ses collègues ont en outre lancé des études ce fondant sur l’utilisation de modèles murins de l’endométriose, dans l’unité dirigée par Pr Batteux à l’Institut Cochin. Objectif : cerner les causes biologiques de ce lien entre endométriose et fausses couches.

Il est grand temps d’en savoir plus sur cette maladie fréquente, mais qui reste pourtant encore largement méconnue, y compris du corps médical. 

Note

* Unité 1016 Inserm/CNRS/université Paris Descartes, Institut Cochin, Paris. 

Source

P. Santulli et coll., Increased rate of spontaneous miscarriages in endometriosis-affected women, Hum Reprod, édition en ligne du 9 mars 2016.