Leucémie aiguë myéloïde et chimiorésistance : un espoir

Une équipe niçoise vient de lever le voile sur le mécanisme cellulaire de résistance à la chimiothérapie qui apparaît inévitablement lors du traitement de la leucémie aigüe myéloïde (LAM). Une stratégie permettant de sortir de cette impasse thérapeutique fera prochainement l’objet d’essais cliniques.

Les syndromes myélodysplasique (SMD) sont un groupe de cancers de la moelle osseuse caractérisés par un défaut de maturation des cellules sanguines : globules rouges, globules blancs et plaquettes. Ils évoluent souvent en leucémie aigüe myéloïde (LAM). D’abord traités par des transfusions sanguines répétées, les patients reçoivent une chimiothérapie à base d’azacytidine (commercialisée sous le nom de Vidaza®) lorsque leur état s’aggrave et bascule vers une LAM. « Ce traitement de référence améliore la qualité de vie, puisqu’il n’y a plus besoin de transfusions, et ralentit l’évolution de la leucémie chez la majorité des patients. Cependant, tous rechutent à plus ou moins longue échéance car les cellules cancéreuses développent inévitablement une résistance à l’azacytidine » explique Guillaume Robert, chercheur dans l’équipe du Dr. Patrick Auberger Hémopathies malignes et myélomes multiples*, à Nice. Comment sortir de cette impasse thérapeutique ? 

Une cible inattendue

Lors de travaux précédents, l’équipe niçoise a montré que les cellules cancéreuses sensibles à l’azacytidine meurent par apoptose. Celles qui résistent se caractérisent notamment par leur production élevée d’une protéine anti-apoptotique : BCL2L10. Dans une nouvelle étude publié début janvier 2019, les chercheurs ont utilisé deux types de cellules pour mieux comprendre ce mécanisme de résistance : une lignée établie de cellules leucémiques humaines rendue résistante à l’azacytidine, et des cellules « fraîches » de moelle osseuse, issues de prélèvements effectués chez des patients à différents stades de la maladie et lors de l’apparition de résistance au traitement. 

L’équipe s’est en particulier intéressée au niveau d’expression de LAMP2, une protéine intervenant dans « l’autophagie médiée par des chaperones », une voie de dégradation des protéines. C’est en effet cette voie qui est utilisée pour dégrader BCL2L10. Et de fait, les résultats sont clairs : une très forte corrélation est apparue entre la faiblesse (voire l’absence) d’expression de LAMP2 dans les cellules, le stade de la maladie et la résistance à l’azacytidine. Autrement dit, les cellules résistantes au traitement ne produisent pas, ou peu, de LAMP2. Elles accumulent donc BCL2L10, ce qui leur permet de « résister » à l’apoptose.

Des essais cliniques en préparation

La quantification de LAMP2 dans les cellules prélevées chez un patient pourrait donc constituer un indicateur précoce de la survenue d’une résistance à l’azacytidine. Outre cet aspect pronostique, les résultats suggèrent également un moyen de contourner cette résistance. En effet, pour rester en vie, les cellules cancéreuses doivent compenser la perte de cette voie de dégradation des protéines par une suractivité des autres voies existantes (la macro-autophagie et le système ubiquitine-protéasome). Pourquoi ne pas également bloquer ces voies ? 

En traitant des cellules résistantes par des inhibiteurs d’une de ces voies alternatives de dégradation les chercheurs ont effectivement réussi, in vitro, à les éliminer rapidement et sélectivement. Or plusieurs de ces inhibiteurs existent déjà sur le marché, indiqués dans le traitement d’autres maladies. D’où l’idée de les utiliser comme traitements de seconde ligne, en plus de l’azacytidine, dès que le taux de LAMP2 annonce l’installation prochaine d’une résistance à cette dernière. 

Le laboratoire niçois s’intéresse en particulier à l’hydroxychloroquine, utilisée en routine dans le traitement du paludisme sous le nom de Plaquenil®. « Non toxique, le Plaquenil a des effets secondaires tout à fait supportables, même pour les patients fragiles et âgés » explique Guillaume Robert. Des essais cliniques sont en cours de préparation. Ils devraient démarrer dans les mois à venir. 

Note

* unité 1065 Inserm/Université de Nice Sophia Antipolis, Centre méditerranéen de médecine moléculaire

Source : A. Dubois et coll. LAMP2 expression dictates azacytidine response and prognosis in MDS/AML. Leukemia, https://doi.org/10.1038/s41375-018‑0336‑1. Edition en ligne du 3 janvier 2019.