L’endothélium vasculaire, un nouvel allié dans la formation de métastases

Comment les cellules cancéreuses parviennent à quitter les capillaires cérébraux qui les transportent dans le but de former des métastases cérébrales ? Des travaux* de l’équipe de Jacky Goetz (unité 1109 Inserm/Université de Strasbourg, équipe Biomécanique des tumeurs) menés depuis plusieurs années en collaboration avec les équipes de Frank Winkler (DKFZ) et Yannick Schwab (EMBL), ont permis de résoudre en partie ce mystère et de confirmer un mécanisme inattendu où l’endothélium vasculaire s’avère être un allié des cellules tumorales.

En 2013, l’équipe de Jacky Goetz s’est associée à celle de Yannick Schwab (EMBL) pour poursuivre le développement d’une technique avant-gardiste de microscopie qui leur permet de suivre une cellule unique, en l’occurrence tumorale, dans ses pérégrinations vers la formation de métastases (Karreman et al., Plos one, 2014).

Très rapidement, ces évolutions technologiques leur permettent de suivre une cellule unique dans un environnement vasculaire ouvrant la possibilité de traquer au plus près et à très haute résolution, pour la première fois, les mécanismes employés par des cellules tumorales circulantes.

En s’associant à l’équipe de Frank Winkler, expert mondial des métastases cérébrales, ils mettent pour la première fois en lumière les entrailles d’une cellule métastatique au moment de ses derniers instants dans un environnement vasculaire, avant de franchir la barrière hémato-encéphalique et de former des métastases (Karreman et al., JCS, 2016).

Grâce à ces technologies, ils observent alors pour la première fois que la paroi endothéliale des capillaires sanguins est réactive à la présence de cellules tumorales circulantes par l’extension intravasculaire de structures micrométriques protrusives qui avoisinent la cellule tumorale piégée dans le capillaire (Follain et al. Dev Cell 2018). 

En poursuivant leurs travaux et en modélisant ces étapes dans un embryon de poisson-zèbre, ils démontrent que la réactivité de l’endothélium vasculaire au flux sanguin permet à ces cellules de générer ce remodelage intravasculaire. L’équipe est capable de les enrayer à l’aide de drogues utilisées en clinique et connues pour leur efficacité anti-angiogénique (Follain, Osmani et al Sci Rep 2021). 

Dans ce dernier travail** reposant sur les approches de suivi longitudinal de métastases cérébrales développées par l’équipe de F. Winkler ainsi que les techniques de microscopie corrélative développées par les 3 équipes, les chercheurs ont pu démontrer que ce remodelage intravasculaire (qui promeut l’extravasation des cellules tumorales), mais également post-extravasation (et qui favorise la croissance métastatique), était contrôlée par la sécrétion de MMP9 (Matrix métalloprotéase 9) par les cellules tumorales, qui est une protéase connue pour digérer la matrice extracellulaire. À l’aide d’approches pharmacologiques et de modèles dépourvus de MMP9, ils ont pu mettre en lumière le rôle central joué par cette molécule sécrétée pour favoriser le remodelage vasculaire et ainsi permettre la genèse et la croissance de métastases cérébrales. 

Ces résultats valident la découverte d’un nouveau mécanisme d’extravasation des cellules tumorales dans le contexte des métastases cérébrales, ils identifient également des mécanismes moléculaires dont le ciblage permettrait de les enrayer. 

*soutenus par l’Institut National du Cancer et la Ligue contre le Cancer
**Active remodeling of capillary endothelium via cancer cell-derived MMP‑9 promotes metastatic brain colonization – Cancer Research, online first, January 19th 2023

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