La stimulation magnétique aurait un effet anti-infectieux

Une équipe Inserm a découvert que la stimulation magnétique de macrophages humains infectés aide ces cellules immunitaires à se débarrasser de l’agent pathogène qu’elles contiennent. Mis en évidence de façon inattendue lors d’expériences conduites in vitro, ce résultat a été protégé par un dépôt de brevet : il ouvre en effet la perspective d’une utilisation de la stimulation magnétique dans le domaine de l’immunologie.

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) est aujourd’hui inscrite dans la pratique courante de services hospitaliers : elle est utilisée dans le traitement de pathologies neuropsychiatriques comme la dépression résistante, ou encore pour réduire certaines douleurs chroniques non soulagées par les traitements médicamenteux. L’application du champ magnétique sur des cellules excitables telles que des neurones induit en effet un courant électrique qui peut aboutir à des effets thérapeutiques. Dans l’équipe Inserm de Marcel Bonay à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines/Paris-Saclay, la rTMS est étudiée dans des modèles murins pour ses effets sur la récupération fonctionnelle en cas de lésion de la moelle épinière. L’application du champ magnétique a été testée sur les cellules neuronales, mais également sur les cellules de soutien du système nerveux dites non excitables, en particulier sur des macrophages.

Pour cela, les chercheurs ont utilisé des macrophages humains placés dans des boîtes de culture. Dans un premier temps, ils ont vérifié l’absence de toxicité du champ magnétique sur ces cellules en testant plusieurs niveaux de puissance et de fréquence. Les seuils équivalents à ceux utilisés en pratique clinique courante se sont révélés sans risque pour les macrophages. Dans un second temps, le « comportement » des cellules a été scruté, notamment en s’intéressant à l’activité d’une voie de signalisation impliquée dans la protection des cellules contre différents types de stress : « Cette voie dépend de la protéine Nrf2 qui est activée en cas d’agression et déclenche des mécanismes de défense cellulaire », explique Thérèse Deramaudt, première auteure de ces travaux. L’équipe a constaté que le champ magnétique stimulait cette voie importante.

Une amélioration de l’activité bactéricide

Les chercheurs ont décidé de pousser plus loin leurs investigations : « Comme la voie Nrf2 est notamment impliquée dans l’élimination des agents infectieux captés par les cellules, nous avons testé l’effet de la stimulation magnétique sur des macrophages infectés par un staphylocoque doré (Staphylococcus aureus), une bactérie potentiellement très virulente, susceptible de coloniser la peau et les muqueuses et d’induire des pneumonies, des endocardites… », poursuit la scientifique. Les résultats de cette expérience sont sans appel : le champ magnétique a aidé les macrophages à se débarrasser de l’agent infectieux. Il a donc amélioré la fonction bactéricide de ces cellules qui jouent un rôle crucial dans le système de défense antimicrobienne de l’organisme. L’implication de Nrf2 dans ce phénomène a été confirmée en empêchant sa synthèse dans les cellules ou en utilisant des macrophages qui en était génétiquement dépourvu. « L’inactivation ou l’absence de Nrf2 bloque à chaque fois l’effet anti-infectieux de la stimulation magnétique », résume Thérèse Deramaudt. Le champ magnétique agit en outre sur d’autres processus qui réduisent l’inflammation et la survie du staphylocoque. Des analyses moléculaires ont montré que ces mécanismes protecteurs passent par des modifications chimiques qui affectent l’activité de différentes protéines.

« Je dois dire que nous avons été surpris par ces résultats, avoue Marcel Bonay. Nous allons poursuivre ces investigations, mais compte tenu de nos thématiques de recherche tournées vers l’amélioration de la prise en charge des dysfonctionnements neuromusculaires ou musculosquelettiques, notre laboratoire n’a pas vocation à exploiter la stimulation magnétique dans le domaine de l’immunité. Toutefois, d’autres équipes seront certainement intéressées ! » En raison du potentiel thérapeutique de cette découverte, l’équipe a déposé un brevet pour la protéger, avec le soutien d’Inserm Transfert. « En stimulant des macrophages avec un champ magnétique in vitro pendant cinq minutes, nous avons déclenché une activité anti-infectieuse, rappelle-t-il. On peut envisager de prélever des cellules dans le sang d’une personne infectée, de les stimuler ex vivo, puis de les réadministrer au même patient pour augmenter ses défenses immunitaires. Et pourquoi pas imaginer aussi un effet des champs magnétiques sur d’autres types de cellules de l’immunité ? » L’évaluation des effets de la stimulation magnétique dans l’immunité ne fait que commencer.


Thérèse Deramaudt est chercheuse dans l’équipe Handicap et inflammation dirigée par Marcel Bonay au sein de l’unité Handicap neuromusculaire : biothérapies et innovations technologiques (End-Icap, unité 1179 Inserm/UVSQ, Montigny-Le-Bretonneux).


Source : T. Deramaudt et coll. High-Frequency Repetitive Magnetic Stimulation Activates Bactericidal Activity of Macrophages via Modulation of p62/Keap1/Nrf2 and p38 MAPK Pathways. Antioxydants, édition en ligne du 30 août 2023 ; doi :10.3390/antiox12091695

Auteur : A. R.

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