Ischémie cérébrale : le viagra protègerait les nouveau-nés

Chez le rat, le sildénafil semble capable de protéger les vaisseaux et le cerveau des nouveau-nés en cas d’accident ischémique cérébral (AVC). Cette découverte laisse entrevoir la possibilité de venir en aide aux nouveau-nés victimes de ce type d’événement, pour lesquels il n’existe actuellement aucune solution thérapeutique.

Le sildénafil, plus connu sous le nom de Viagra, pourrait bien venir en aide à certains nouveau-nés en souffrance : une équipe Inserm vient en effet de montrer que ce médicament permet de protéger le cerveau de jeunes rats lorsqu’il est injecté au moment d’un accident ischémique, correspondant à l’obstruction d’une artère cérébrale. La survenue d’un tel événement au moment de la naissance est heureusement rare, toutefois trois nourrissons pour mille naissances sont concernés chaque année en France, soit près de 2 500 enfants. 

L’obstruction d’une artère qui irrigue le cerveau prive cet organe central de sang et d’oxygène pendant une durée plus ou moins longue, entrainant des lésions et des séquelles neurologiques parfois définitives. Or depuis quelques années, des travaux ont montré que, chez le rat, le monoxyde d’azote (NO) inhalé au moment d’un tel accident permettait de recruter d’autres vaisseaux autour de la zone d’occlusion. Ceci permettrait de restaurer partiellement le flux sanguin, limitant ainsi les conséquences de l’ischémie. Les chercheurs ont donc pensé à utiliser le sildénafil, molécule dont l’activité freine la dégradation du NO dans l’organisme et qui est déjà autorisée chez le nourrisson dans le cadre du traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire. 

Preuve de concept chez l’animal

Zone corticale ischémiée (72 heures après ischémie cérébrale focale) visualisée en épifluorescence à l’aide de sondes immunologiques révélant, en rouge, des cellules au sein du cortex infarci et, en vert, des astrocytes périphériques participant à la cicatrice gliale. L’ADN des cellules est visualisé à l’aide du DAPI (en bleu). © Inserm, E. Maubert

Pour tester cette stratégie, les chercheurs ont provoqué un accident ischémique cérébral chez des rats nouveaux-nés et leur ont injecté une dose de sildénafil au même moment. Ils ont ensuite observé les lésions causées par l’ischémie et les modifications dans le comportement des animaux. 

Sept jours après l’expérience, les animaux traités présentaient moins de séquelles motrices et leur cerveau était davantage préservé que celui des animaux témoins (chez lesquels l’ischémie a été provoquée, mais le sildénafil n’a pas été injecté). « Le sildénafil a joué un rôle neuro-protecteur en améliorant la perfusion globale du cerveau, estime Olivier Baud*, co-auteur des travaux. Et ce que nous voyons chez le nouveau-né semble se vérifier aussi chez l’adulte, comme l’attestent d’autres travaux menés en parallèle en Allemagne. Les effets biologiques du monoxyde d’azote dans cette indication sont de plus en plus crédibles », selon lui. 

Le chercheur et ses collaborateurs vont maintenant tenter d’identifier les mécanismes neuro-protecteurs mis en jeu et de définir plus précisément à quel moment et à quelle dose ce traitement est le plus efficace. Olivier Baud prévoit ensuite un premier essai clinique chez des nouveau-nés, d’ici trois à cinq ans si tout se passe bien. 

Note

*unité 1141 Inserm/ Université Paris Diderot, Hôpital Robert Debré, Paris 

Source

C. Charriaut-Marlangue et coll. Sildenafil Mediates Blood-Flow Redistribution and Neuroprotection After Neonatal Hypoxia-Ischemia. Stroke, édition en ligne du 28 janvier 2014