L’Immunoscore prédit l’évolution du cancer du côlon et sa réponse à la chimiothérapie

L’Immunoscore est désormais recommandé au niveau international pour affiner le pronostic des cancers du côlon. Dans une nouvelle étude, cet outil prédictif développé par des chercheurs de l’Inserm apparaît également capable d’identifier les patients chez lesquels une chimiothérapie apportera un bénéfice.

L’Immunoscore est un outil qui bouleverse la prise en charge du cancer du côlon. Validé en 2018 par une étude de consensus internationale, ce score qui s’appuie sur les résultats d’un test immunologique est désormais reconnu comme un élément déterminant pour prédire le risque d’évolution d’une tumeur et la nécessité ou non d’intensifier le traitement d’un patient atteint d’un cancer du côlon. À l’origine de cette innovation, Jérôme Galon* a reçu le Prix de l’inventeur européen 2019 remis par l’Office européen des brevets. 

L’Immunoscore quantifie la densité de deux types de cellules immunitaires au niveau de la tumeur et à sa marge d’invasion : les lymphocytes T totaux (CD3+) et les lymphocytes tueurs (CD8+ cytotoxiques). Son pouvoir prédictif a été démontré chez des personnes qui présentent un cancer non métastatique, puis dans une population de patients chez lesquels la tumeur est métastasée. L’intérêt de l’Immunoscore vient en outre d’être démontré dans le sous-groupe des patients atteints d’un cancer non métastatique mais localement avancé. « Dans cette situation, les recommandations sont de prescrire une chimiothérapie en complément de la chirurgie, afin d’accroître les chances de guérison. Mais la nature et la durée optimales de ce traitement ne sont pas parfaitement établies », rappelle Jérôme Galon. Afin d’évaluer la possibilité de prédire l’efficacité d’une chimiothérapie dans ce contexte et d’aider ainsi à préciser les traitements de référence, le chercheur et son équipe ont mis en œuvre l’Immunoscore dans une cohorte de 763 patients constituée rétrospectivement aux États-Unis, en Europe et en Asie. Pour chacun d’entre eux, la survie sans progression et la survie globale ont été analysées en fonction de l’Immunoscore et des caractéristiques cliniques. Ces travaux ont permis de poser trois éléments d’observation importants pour la pratique. 

La double peine associée à un faible Immunoscore

Le premier est que l’Immunoscore a bien une valeur pronostique à ce stade d’évolution tumorale. « On observe une association entre la survie globale ou la survie sans récidive et la valeur du score, et ce, indépendamment de la nature de la chimiothérapie, de l’agressivité des cellules cancéreuses ou d’autres paramètres propres au patient », précise le chercheur. Le second élément est que l’âge des patients n’influence pas le résultat : bien qu’on tende communément à penser que les personnes les plus âgées ont une immunité affaiblie et, de ce fait, une capacité amoindrie à lutter contre les tumeurs, il n’en est rien. Ce travail montre que chaque tranche d’âge comprend dans des proportions équivalentes des patients avec Immunoscore fort et d’autres avec un score faible, chez les moins de 60 ans comme chez les plus de 85 ans. 

Le dernier élément, plus surprenant, est que l’Immunoscore est associé à la réponse à la chimiothérapie : « Tous les patients de la cohorte n’ont pas reçu ce traitement complémentaire bien qu’il soit préconisé après la chirurgie, soit parce qu’ils ne le voulaient pas, soit en raison de problème de tolérance, explique Jérôme Galon. Nous avons donc pu comparer le pronostic des patients qui ont reçu ou non une chimiothérapie, selon la valeur de leur Immunoscore »… et observer que les patients avec un score bas ne répondent pas à la chimiothérapie, contrairement aux autres. 

« La chimiothérapie a une action toxique sur les cellules cancéreuses, et les produits de dégradation qui en découlent stimulent l’immunité du patient : cela créé une boucle synergique entre le traitement et les défenses naturelles de l’organisme. Aussi, si l’immunité du patient n’est pas suffisante localement, cette synergie n’existe pas et l’efficacité du traitement est affectée. C’est un peu la double sanction pour ces patients, reconnaît le chercheur. Ils ont une immunité naturelle faible contre la tumeur, ce qui limite les chances de succès de la chimiothérapie. » Depuis la conduite de cette étude, un essai clinique randomisé de phase 3 (IDEA) a permis d’affiner cette observation : pour les patients qui ont une bonne immunité locale, prolonger la durée de la chimiothérapie améliorerait le pronostic. En revanche, en cas de faible immunité, celle-ci serait inutile, n’apportant aucun avantage pronostique. « Il va être nécessaire de développer de nouvelles approches thérapeutiques pour ce profil de patients », souligne Jérôme Galon. 

Des travaux vont aussi permettre de rechercher une éventuelle association entre l’immunité au niveau tumoral et les capacités immunitaires globales du patient. Pour l’heure, aucune association n’a été identifiée, mais peut-être sera-t-il un jour possible de prédire la capacité d’une personne à se défendre contre une tumeur avant même son diagnostic. 

Enfin, une autre perspective intéressante se profile pour l’Immunoscore : son application à d’autres tumeurs que celles du côlon, par exemple à des cancers du poumon. Les travaux en cours sur cette thématique sont encourageants. Davantage de tumeurs solides pourraient ainsi voir leur prise en charge modifiée dans les prochaines années, grâce à une approche comparable. 

Note : :
* unité 1138 Inserm/ Université de Paris/Sorbonne Université, Centre de recherche des Cordeliers, équipe Immunologie et cancérologie intégratives, Paris

Source : B Mlecnick et coll. Multicenter International Society for Immunotherapy of Cancer Study of the Consensus Immunoscore for the Prediction of Survival and Response to Chemotherapy in Stage III Colon Cancer. J Clin Oncol, édition en ligne du 9 septembre 2020. DOI : 10.1200/JCO.19.03205