Grossesses non désirées : chez les hommes aussi

Près d’un quart des hommes se déclarant à l’origine d’une grossesse au cours de cinq dernières années avoue que cette grossesse n’était pas intentionnelle. Un chiffre qui montre la nécessité de responsabiliser les hommes autant que les femmes.

« Avec 5% de grossesses non désirées chez l’ensemble des hommes sexuellement actifs entre 2005 et 2010, ces derniers, et notamment les plus jeunes, doivent être responsabilisés par rapport à leur trajectoire reproductive. Les grossesses non désirées ne sont pas que l’affaire des femmes ! » insiste Caroline Moreau, chercheuse à l’Inserm* et coauteur d’une nouvelle étude sur le sujet. Si le vécu des femmes par rapport aux grossesses non désirées a déjà fait l’objet de plusieurs études, les données relatives au point de vue masculins faisaient en effet jusqu’ici défaut. 

Pour remédier à ce manquement, Anna Kagesten (université Johns Hopkins, Baltimore, Etats-Unis), premier auteur de ces travaux, et ses collègues français ont interrogé des hommes, y compris des mineurs de plus de 15 ans. L’objectif : identifier « leurs » facteurs associés aux grossesses non désirées.

Près 3 400 hommes âgés de 15 à 49 ans, sélectionnés totalement au hasard en générant des numéros de téléphone de façon aléatoire, ont participé à l’étude. Les questions posées portaient sur les grossesses dont ils étaient à l’origine et sur leurs intentions de fécondité au moment où chaque grossesse était survenue. L’accent était ensuite mis sur les cinq dernières années, pour tenter d’identifier des facteurs actualisés associés aux grossesses non désirées. Cette enquête a été menée en 2010 (dans le cadre du projet de recherche FECOND) et les mêmes questions ont été posées à un échantillon féminin. 

Des facteurs de risque liés aux circonstances

Les résultats montrent que parmi les hommes hétérosexuels et sexuellement actifs, 5% ont connu un épisode de grossesse non désirée dans les cinq dernières années. Et parmi l’ensemble des grossesses déclarées au cours de la même période, 22,5% n’étaient pas intentionnelles, c’est à dire non souhaitées ou non prévues. « L’analyse des facteurs associés à ces événements montre qu’ils ne sont pas tant liés à la personne qu’aux changements de situation au cours du temps. Une grossesse non prévue peut devenir désirée quand le contexte change », explique Caroline Moreau. Parmi ces facteurs contextuels, on trouve une situation économique et financière dégradée de l’homme, le jeune âge, une relation instable avec la partenaire, le fait que la grossesse interfère avec les plans professionnels ou encore le rang de la grossesse. Une troisième ou quatrième grossesse est plus souvent non désirée. Le niveau d’éducation n’a en revanche pas d’incidence. Et la survenue d’une grossesse non désirée pendant les études ne raccourcit pas la durée de celles-ci, contrairement à ce qui est observé chez les femmes. 

Dans la majorité des cas, les grossesses non désirées par les hommes sont liés à une mauvaise utilisation de la contraception, ou à un problème d’efficacité de celle-ci. Dans 72% des cas, une contraception était utilisée, souvent un préservatif (23%) ou une pilule prise par leur partenaire (33%). « En cas de relation instable, l’homme déclare souvent qu’il pensait que sa partenaire prenait une contraception bien qu’il n’en ait pas discuté avec elle. Cette étude montre qu’il n’y a moins d’hommes à risque que des circonstances à risque de grossesse non désirée. La contraception doit s’adapter aux changements de circonstance. Compte tenu du fait que les hommes jeunes n’ont pas d’alternative au préservatif comme moyen de contraception, il faut qu’ils se sentent responsabilisés par rapport à leur fécondité et qu’ils en discutent avec leur partenaire », conclut Caroline Moreau. 

Note 
*unité 1018 Inserm/Université Paris sud, Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Villejuif 

Source 
A Kagesten et coll. Hum Reprod, Unintended pregnancies among men : prevalence and correlates. édition en ligne du 14 octobre 2014