Femmes migrantes : le risque de complications maternelles varie selon le pays de naissance et d’accueil

Au Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques de Paris (unité Inserm 1153 / Université Paris Cité / Inrae / Cnam / Université Sorbonne Paris Nord, CRESS), Maxime Eslier, Elie Azria et Catherine Deneux, chercheurs à l’Inserm et membres de l’équipe scientifique EPOPé, ont conduit une méta-analyse, s’appuyant sur 35 études scientifiques, qui s’intéresse aux liens entre migration et risque de morbidité ou mortalité maternelles chez les femmes migrantes dans les pays à hauts revenus.

Leurs résultats, publiés dans la revue PLOS Medicine, semblent indiquer que le risque de complications maternelles sévères chez celles-ci par rapport aux femmes natives, varie non seulement en fonction du pays d’accueil, mais aussi de leur région de naissance.

Le contexte

En Europe de l’Ouest, on estime en moyenne qu’une naissance sur cinq est donnée par une mère née à l’étranger. À ce jour, la littérature scientifique sur les femmes migrantes et les inégalités en santé maternelle demeure discordante. Pourtant, certaines études menées dans des pays à hauts revenus alertent sur la possibilité d’un risque de mortalité et de morbidité maternelle sévère plus élevé pour les femmes migrantes que pour les femmes nées dans le pays d’accueil. On ignore si cette hétérogénéité est liée à des différences dans la définition de la migration et la mesure des complications maternelles ou à des différences réelles entre les contextes.

Dans ces travaux, Maxime Eslier, Elie Azria et Catherine Deneux ont réalisé une revue systématique de la littérature disponible afin d’évaluer le risque de complications maternelles sévères chez les femmes migrantes par rapport aux femmes natives dans les pays à revenu élevé, en fonction du pays d’accueil et de la région de naissance des femmes migrantes, et en utilisant une définition unique de la migration par le pays de naissance.

Les résultats

Cette revue s’est fondée sur les résultats de bases de données publiés entre 1990 et avril 2023. Toutes les études observationnelles comparant le risque de mortalité maternelle ou de morbidité maternelle sévère, toutes causes confondues ou par cause spécifique, dans les pays à haut revenu entre les femmes migrantes, définies par leur région de naissance, et les femmes natives ont été incluses. De plus, des analyses en sous-groupes ont été planifiées en fonction du pays d’accueil et la région de naissance.

Les résultats obtenus par les chercheurs montrent que :

  • En Europe, les femmes migrantes ont un risque plus élevé de mortalité maternelle que les femmes nées dans un pays d’accueil, alors qu’il n’est pas différent aux Etats-Unis ou en Australie ;
  • Les femmes migrantes nées en Afrique subsaharienne, en Amérique latine, dans les Caraïbes ou en Asie, ont un risque de mortalité maternelle plus élevé que celles nées dans le pays d’accueil, contrairement à celles nées en Europe ou au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Bien que moins étudiées et avec des définitions hétérogènes, les résultats sont similaires pour la morbidité maternelle sévère, toutes causes confondues, et l’admission maternelle en unité de soins intensifs.

Les perspectives

Ces données soulignent la nécessité d’explorer davantage les mécanismes qui sous-tendent ces inégalités de santé maternelle et leur variation en fonction de la région de naissance et du pays d’accueil.

Les prochaines études devraient utiliser des définitions harmonisées pour la morbidité maternelle sévère, mais également prendre en compte des caractéristiques plus fines du pays d’accueil (organisation du système de santé, politiques migratoires) ainsi que celles des femmes migrantes (ethno-raciales, administratives, socio-économiques…) susceptibles d’interagir avec la migration.

Publication en ligne : Association between migration and severe maternal outcomes in high-income countries : systematic review and meta-analysis (PLoS Med, juin 2023)

Contact chercheur : znkvzr.rfyvre@vafrez.se