Et si les fœtus aidaient leur mère à lutter contre la Covid-19 ?

Pendant leur grossesse, les femmes deviennent plus vulnérables aux infections respiratoires. L’épidémie de Covid-19 a dès lors suscité une inquiétude légitime et conduit à la mise en place de plusieurs études pour évaluer l’impact de cette infection chez la femme enceinte et son enfant à naître. L’une d’entre elles, menée dans un laboratoire Inserm de l’institut Cochin, montre que le fœtus répond à l’infection maternelle bien qu’il ne soit pas infecté lui-même, avec un possible bénéfice pour la mère.  

En cas d’infection par des virus respiratoires, les femmes enceintes courent un risque accru de complications. C’est la raison pour laquelle différentes équipes médicales et scientifiques ont voulu en savoir plus sur les événements et les risques associés à une infection par le SARS-CoV‑2, le coronavirus responsable de la Covid-19, lors d’une grossesse. Parmi ces équipes, celle de Sélim Aractingi, clinicien et chercheur à l’institut Cochin à Paris, travaille sur les cellules souches fœtales. Certaines de ces cellules transitent par le cordon ombilical, avec parfois un effet bénéfique pour la mère. Des cellules souches fœtales peuvent en effet être recrutées par différents tissus maternels en cas de dommage et y persister de façon durable, bien après la naissance de l’enfant. Par exemple, des cellules d’origine fœtale peuvent améliorer la cicatrisation de la peau maternelle plusieurs années après l’accouchement. D’autres peuvent moduler l’immunité maternelle. Dans le contexte de la Covid-19, « des équipes médicales ont d’ailleurs rapidement eu l’idée d’utiliser du sang de cordon pour traiter des formes graves de l’infection en raison des propriétés immunomodulatrices de cellules fœtales qu’il contient », rappellent Sélim Aractingi et sa collègue Bénédicte Oulès. Les deux scientifiques ont voulu en savoir plus sur les effets de l’infection par le SARS-CoV‑2 sur la composition du sang de cordon. En collaboration avec Vassilis Tsatsaris, gynécologue-obstétricien à la maternité Cochin-Port Royal et directeur de la fédération hospitalo-universitaire Combattre la prématurité (FHU PREMA), les chercheurs ont analysé du sang de cordon issu de femmes infectées par le SARS-CoV‑2 au cours de leur grossesse, qu’elles aient ou non développé des symptômes de la Covid-19. Ils en ont comparé la composition avec celle du sang de cordon obtenu de femmes non infectées au cours de la grossesse. Toutes les femmes qui ont participé à cette étude avaient accepté de céder du sang de cordon à des fins de recherche suite à leur accouchement à l’hôpital Cochin.  

Un bénéfice potentiel pour la mère à évaluer

Ce travail montre qu’une infection par le coronavirus contractée au cours de la grossesse n’est pas transmise au fœtus, mais qu’elle induit néanmoins une réponse chez ce dernier. L’analyse moléculaire et cellulaire du sang de cordon de mères infectées a en effet permis de repérer une augmentation de la quantité de cellules souches fœtales engagées dans la voie de différenciation qui conduit à la formation de globules rouges. Autre observation, les cellules de sang de cordon obtenu de femmes qui ont eu des symptômes de la Covid-19 présentent une activation du programme généralement déclenché par un déficit en oxygène (voie de l’hypoxie). « Il semblerait que le fœtus détecte l’infection maternelle, peut-être par le biais de l’hypoxie maternelle [liée aux symptômes de la Covid-19] qui est susceptible de générer un stress fœtal. Cela modifierait la production des cellules sanguines chez le fœtus, avec une augmentation du nombre de précurseurs de globules rouges. Le transfert de ces précurseurs vers la mère pourrait aider cette dernière à lutter contre l’hypoxie puisque les globules rouges transportent l’oxygène. Toutefois, il ne s’agit que d’une hypothèse que nous ne sommes pas en mesure de vérifier à ce stade. Nos résultats confirment néanmoins l’intérêt de répertorier les cellules fœtales de cordon et d’étudier leur bénéfice potentiel pour la santé de la mère dans un certain nombre de conditions, infectieuses ou autres », concluent les chercheurs. 


Sélim Aractingi et Bénédicte Oulès sont chercheurs à l’institut Cochin (unité 1016 Inserm/CNRS/Université Paris Cité), à Paris.


Source : M. Alkobtawi et coll. Enhanced fetal hematopoiesis in response to symptomatic SARS-CoV‑2 infection during pregnancy. Commun Med (Lond), 11 décembre 2023 ; doi : 10.1038/s43856-023–00406‑6

Autrice : A. R.

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