ERC : deux strasbourgeois lauréats du prestigieux financement pour leurs travaux d’excellence menés à l’Inserm

Yotis Senis, directeur de recherche Inserm dans l’unité 1255 « Biologie et pharmacologie des plaquettes sanguines : hémostase, thrombose, transfusion » (Inserm / Université de Strasbourg / Etablissement Français du Sang) et Seiamak Bahram, professeur des universités-praticien hospitalier et directeur de l’unité Inserm 1109 « Immunologie et rhumatologie moléculaire » (Inserm/Unistra) sont chacun lauréats d’un ERC Advanced Grant 2023. Ils se voient respectivement doter d’une enveloppe de 2,5 millions d’euros sur une durée de 5 ans, afin de mener leur recherche scientifique d’excellence et faire progresser les connaissances.

Yotis Senis

C’est pour son projet « Maintien de l’homéostasie plaquettaire par les tyrosines phosphatases et les héparanes sulfates vasculaires » que Yotis Senis a obtenu ce très sélectif financement européen. Derrière la technicité de cet intitulé se décline un projet scientifique novateur et particulièrement prometteur : l’approche pluridisciplinaire, allant de la biophysique au modèle animal, ambitionne de mieux comprendre les mécanismes déclenchant la production des plaquettes par les mégacaryocytes et leur régulation dans la circulation sanguine, encore largement méconnus. Des progrès considérables dans les connaissances sur le sujet devraient être effectués dans ce cadre, posant ainsi les bases d’un nouveau champ de la biologie visant à identifier de nouvelles stratégies pour la production de plaquettes in vitro et la médecine transfusionnelle. Ils devraient ouvrir la voie à des pistes thérapeutiques tout à fait pionnières en matière d’accidents vasculaires cérébraux ou de troubles hémorragiques liées aux plaquettes, pour ne citer que ces exemples.

3 questions pour recueillir les réactions de l’heureux lauréat !

Que symbolise ce prix pour vous ? Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que vous étiez lauréat ?

Le prestige, l’estime, une reconnaissance de ma position dans le domaine et de mon approche créative de la science. Sans oublier la confiance placée en moi en tant que chercheur et personne capable de produire du travail de qualité, ou en tout cas dans la bonne direction.

Lors de l’annonce, le moins que l’on puisse dire c’est que j’étais sur un petit nuage. J’ai ressenti à la fois un immense soulagement et une grande joie. Élaborer ce projet de recherche a été une leçon d’humilité, puisqu’il a s’agit de le défendre auprès de scientifiques de renommée mondiale et de les convaincre que cette proposition (et moi !) nous valions l’investissement. C’est l’aboutissement d’années de dur labeur, de sacrifices, de risques et d’une réflexion approfondie. L’annonce tombe à pic, car nous avons récemment réalisé des avancées majeures dans le laboratoire sur lesquelles je compte m’appuyer. Créer un nouveau groupe de recherche dans un nouveau pays n’est pas chose aisée, mais c’est une expérience qui n’a pas de prix et qui continue de me façonner, ainsi que la recherche que je mène.

La lettre officielle m’informant de la nouvelle est arrivée le 25 mars, jour de l’indépendance grecque. J’ai des origines grecques, c’était donc très symbolique pour moi car cette bourse m’offre une grande liberté et me permet de mener les recherches que je veux. Mes parents ont enduré beaucoup et ont tout sacrifié pour nous élever, mes frères et sœurs et moi. Malheureusement, ils sont décédés il y a plusieurs années et n’ont donc pas pu voir les fruits de leur travail. Ils m’ont inculqué une force de caractère, une juste éthique professionnelle, un esprit pionnier et un amour profond de la connaissance et de la compréhension du monde. Tout cela m’anime et infuse ma recherche, c’est pourquoi je leur dédie cette bourse, où qu’ils soient dans les cieux.

La première personne à qui j’ai annoncé la nouvelle a été mon épouse, Alexandra Mazharian-Senis, avec qui je partage un bureau. Elle est également chercheuse à l’Inserm, une brillante scientifique. Elle a déménagé d’Angleterre pour la France avec moi il y a cinq ans, elle est ma première collaboratrice et mon premier soutien. Je n’aurais pas pu y arriver sans elle.

Je serai éternellement reconnaissant au Conseil européen de la recherche, à l’Inserm et à Alexandra. Maintenant, passons à la partie la plus amusante : la science et la découverte !

Que va vous apporter cet ERC ? 

Cette bourse me permettra de poser les bases de mon groupe de recherche en France, de fédérer des expertises et prendre de l’avance dans un domaine de plus en plus compétitif. L’objectif étant d’essayer de résoudre des questions scientifiques majeures restées sans réponse, en développant des approches et des méthodes novatrices. 

Le mot de la fin : une dernière chose que vous souhaitez nous partager ?

Le soir de la nouvelle, Alexandra et moi avons débouché une bonne bouteille de champagne, en compagnie de nos garçons !

Un deuxième lauréat à Strasbourg 

Seiamak Bahram

Seiamak Bahram, rattaché à l’Université de Strasbourg et directeur d’une unité de recherche Inserm, est également lauréat d’un ERC Advanced Grant pour ses recherches sur la génétique et biologie des gènes d’histocompatibilité chez l’Homme. Cette bourse lui permettra d’initier une recherche de rupture visant à identifier de nouveaux gènes d’histocompatibilité : pourquoi et comment un tissu ou organe greffé (rein, cœur, moelle osseuse, etc.) est rejeté par le corps humain ? Un phénomène immunologique incompris depuis près d’un siècle et qui a, pour l’heure, résisté à toute tentative de résolution.

« Cet ERC me permettra de financer des analyses moléculaires à très haut débit appliquées à des cohortes de patients méticuleusement sélectionnés afin de pouvoir répondre à une problématique biologique et médicale où les besoins sont immenses. J’ai le grand plaisir de diriger une équipe de chercheurs et de cliniciens-chercheurs talentueux à Strasbourg et de pouvoir interagir grâce à de solides collaborations à travers le monde, ce qui collectivement nous permettra de mettre le maximum de chances de notre côté pour atteindre nos objectifs. »

L’Union européenne, via son dispositif European Research Council (ERC) Advanced Grants, récompense des scientifiques reconnus proposant un projet de recherche exploratoire ambitieux et susceptibles d’aboutir à des avancées scientifiques majeures. Ces bourses de recherche individuelles, très sélectives, sont attribuées pour une durée de cinq ans, avec des montants allant de 1,5 à 3,5 millions d’euros par chercheur. Cette année, sur les 255 lauréats, 37 mènent leurs recherches en France, qui se classe ainsi deuxième derrière l’Allemagne où 50 lauréats sont hébergés.