Entre les bactéries intestinales et le diabète, il y a NOD2

Comment les bactéries intestinales prodiabétiques parviennent-elles à déclencher une résistance à l’insuline dans plusieurs tissus de l’organisme ? Une collaboration franco-canadienne vient d’identifier un responsable : un défaut dans le fonctionnement d’un récepteur aux antigènes bactériens, présent à la surface des cellules de l’intestin. Ce récepteur, NOD2, pourrait constituer une cible thérapeutique idéale.

Si le lien entre flore intestinale et diabète ne fait plus de doute, la chaine des évènements responsables de cette association reste à clarifier. Des chercheurs de l’Inserm* en collaboration avec l’université canadienne McMaster (Hamilton, Ontario) viennent d’identifier une clé du mystère. 

Des bactéries pro-diabétiques encombrantes

« Il existe des bactéries prodiabétiques dans la flore intestinale de tous les individus, rappelle Rémy Burcelin (CHU de Toulouse), coauteur de ces travaux. Mais chez certaines personnes, souvent en réponse à un régime alimentaire riche en graisses, il se crée un déséquilibre en faveur de ces souches. Elles deviennent majoritaires et entrainent un diabète. Ainsi, en implantant la flore intestinale de souris diabétiques chez des souris saines, on déclenche la maladie. Seulement, jusque-là, nous ignorons largement comment ce phénomène se produit », explique-t-il. 

Des bactéries chaperonnées par des cellules phagocytaires

inserm 5300 floreintest medium
© Inserm, K. Haffen Muqueuse intestinale 

Pour résoudre l’énigme, les chercheurs ont travaillé chez la souris. Ils ont montré que les bactéries prodiabétiques sont reconnues par le récepteur NOD2 présent à la surface des cellules épithéliales qui tapissent l’intestin : des molécules de la paroi bactérienne se fixent à NOD2 et cette fixation déclenche le recrutement de phagocytes, des cellules du système immunitaire capables de capturer la bactérie et de la détruire. Mais lorsque NOD2 dysfonctionne, les phagocytes deviennent incapables de digérer entièrement la bactérie. Cette dernière se retrouve alors comme encapsulée. Véhiculée par la cellule immunitaire, elle peut migrer à travers la paroi de l’intestin vers d’autres tissus : le foie, les muscles ou encore le tissu adipeux. « Cette translocation bactérienne propage une inflammation à tous ces tissus cibles, avec la production locale de cytokines associées à une baisse de sensibilité des cellules à l’insuline », poursuit Rémy Burcelin. 

NOD2 cible thérapeutique

« Avec ce récepteur NOD2, nous avons identifié la clé qui ouvre et ferme la porte aux bactéries prodiabétiques vers d’autres tissus pour contrôler l’inflammation métabolique », renchérit le chercheur. Ce récepteur apparaît donc comme une cible thérapeutique idéale, d’autant plus qu’il est déjà impliqué dans l’apparition de la maladie de Crohn et que des anticorps neutralisants sont à ce titre en cours de développement. Tester leur effet sur la survenue et le développement du diabète paraît donc désormais pertinent. « En agissant sur l’interaction entre les bactéries prodiabétiques et le récepteur NOD2, nous pourrions peut-être bloquer l’apparition du diabète, mais également réduire les phénomènes inflammatoires chez les personnes obèses », conclut le chercheur. 

Note

*unité 1048 Inserm/Université Paul Sabatier, Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, Toulouse 

Source

E. Denou et coll. Defective NOD2 peptidoglycan sensing promotes diet-induced inflammation, dysbiosis, and insulin resistance. EMBO Mol Med, édition en ligne du 9 février 2015