L’ecstasy, une dépendance forte et rapide chez certains usagers

L’ecstasy peut créer une dépendance aussi forte que les autres drogues de type cocaïne, alcool ou tabac après seulement quelques prises. Des chercheurs de l’Inserm viennent de décrire les voies qui mènent à cette situation et proposent ainsi de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre cette dépendance.

La prise répétée d’ecstasy, ou MDMA, modifie durablement les réseaux neuronaux avec un risque accru de dépendance, comme c’est le cas pour les autres drogues, amphétamine, cocaïne, morphine, alcool et tabac. Des chercheurs de l’Inserm viennent de montrer que ce phénomène, qui se traduit par une coupure de communication entre les neurones à noradrénaline et les neurones à sérotonine, est lié à la perte d’autocontrôle de chacun de ces deux types de neurones. 

« Certains consommateurs d’ecstasy présentent des troubles du comportement et une addiction pérennes après seulement quelques prises. Ces personnes sont extrêmement anxieuses en l’absence de drogue et ressentent une envie irrépressible de reprendre du produit », explique Jean-Pol Tassin*, responsable de l’étude. Pour mieux comprendre ce phénomène, l’équipe a administré quatre doses successives de MDMA à environ 700 souris puis effectué une batterie de tests comportementaux et physiologiques et d’analyses moléculaires. « Nous constatons une stimulation accrue et prolongée des neurones à noradrénaline et à sérotonine. Ils perdent leur capacité à auto-réduire leur niveau d’excitation et cela provoque un découplage entre ces deux types de neurones. Résultat, le comportement des animaux s’altère avec le nombre de prises et ils deviennent extrêmement anxieux », explique le chercheur. 

Deux cibles thérapeutiques

« Le couplage entre les neurones à noradrénaline et à sérotonine n’existe pas à la naissance et se met en place au cours du développement. Néanmoins, chez certaines personnes cette mise en place se déroule mal, le plus souvent en raison d’un parcours de vie ou d’expériences difficiles. En conséquence, le découplage a lieu dès les premières prises de drogue et suscite une anxiété et une dépendance qui s’installent très rapidement », poursuit le chercheur. Chez la souris, ce phénomène perdure au moins deux mois après la dernière prise, ce qui représente plusieurs années chez l’homme et explique l’installation dans la dépendance. 

Au delà de ce constat, ces travaux apportent des clés pour désamorcer le phénomène. Les chercheurs ont montré que la perte de rétrocontrôle négatif des neurones implique les récepteurs alpha2A-adrénergiques pour les neurones à noradrénaline et 5‑HT1A pour les neurones à sérotonine. Deux cibles thérapeutiques potentielles. « A nous de trouver une ou deux molécules capables d’agir sur ces cibles et de rétablir une activité neuronale normale. Cela permettrait de restaurer la communication entre les deux types de neurones et de réduire l’anxiété et le risque de dépendance », conclut le chercheur. 

Note :
*unité 952 Inserm / CNRS / Université Pierre et Marie Curie, Paris 

Source :
C. Lantéri et coll. Mol Psychiatry, Repeated exposure to MDMA triggers long-term plasticity of noradrenergic and serotonergic neurons. Edition en ligne du 20 août 2013