Le développement des astrocytes, en couleur

Les astrocytes sont des cellules neurales de plus en plus étudiées pour leur rôle dans le fonctionnement du cerveau. Karine Loulier, Jean Livet et leurs collaborateurs viennent pour la première fois de décrire les étapes de leur développement précoce dans le cortex cérébral de souris.

Tantôt en forme de buissons, tantôt en forme de pavés, les astrocytes apparaissent sous différentes formes dans le cortex cérébral. Les astrocytes, ce sont ces cellules nerveuses appartenant au groupe des cellules gliales, longtemps considérées comme de simples cellules de soutien des neurones. Elles s’avèrent en réalité occuper des fonctions bien plus variées, jouant un rôle dans la régulation du flux sanguin cérébral ou encore le fonctionnement des synapses.

Karine Loulier (Institut des neurosciences de Montpellier*), Jean Livet (Institut de la vision**, Paris) et leurs collaborateurs*** s’efforcent de décrire les étapes du développement précoce des cellules nerveuses et s’intéressent de près aux astrocytes. Grâce à une technique dans laquelle leurs laboratoires se sont spécialisés, la stratégie MAGIC Markers, les chercheurs ont pour la première fois réussi à suivre les étapes de leur développement, depuis le stade embryonnaire où ils sont issus de cellules progénitrices, jusqu’à trois semaines après la naissance lorsqu’ils sont devenus matures. Cette technique permet de marquer plusieurs cellules progénitrices neurales avec des couleurs distinctes, puis de suivre le devenir − dans le temps et dans l’espace − des cellules qu’elles génèrent, notamment celui des astrocytes. 

© Clavreul et coll. Nat Comm 2019

Un arc en ciel mouvant

Pour cela, les transgènes MAGIC Markers sont administrés in utero dans le cerveau des embryons, à 15 jours de développement embryonnaire, quand le cortex cérébral comprend encore de nombreuses cellules progénitrices. L’application d’un courant électrique (électroporation) est utilisé pour faire entrer les transgènes dans les cellules progénitrices. Ces transgènes codent pour plusieurs protéines fluorescentes, et des réarrangements aléatoires dans chacun d’entre eux créent une combinaison de couleurs spécifiques pour chaque cellule ayant « récupéré » plusieurs copies de ces transgènes. Ils s’intègrent dans le génome, ce qui leur permet d’être conservés au cours des divisions cellulaires et d’obtenir une coloration identique de toutes les cellules filles. Il en résulte donc plusieurs familles (clones) de cellules, de couleurs différentes entre elles, mais chacune composée de cellules sœurs de même couleur. Dans un second temps, grâce à l’approche de microscopie ChroMS qui permet une visualisation en 3D à très haute définition, l’équipe a obtenu de très belles images des astrocytes en cours de formation, tel un arc en ciel mouvant. 

L’équipe a constaté un développement en trois phases. Après une phase de colonisation du cortex cérébral en formation avant la naissance, les astrocytes se répartissent dans l’épaisseur du cortex en même temps qu’ils prolifèrent pendant la première semaine après la naissance. Leur nombre double sur cette période et ils forment déjà un réseau d’apparence continue. Les astrocytes connaissent alors une période de maturation à l’échelle individuelle, jusqu’au 21e jours après la naissance (le suivi s’est arrêté là). « L’association des techniques MAGIC Markers et ChroMS a pour la première fois permis de suivre simultanément la composition de plusieurs dizaines de clones d’astrocytes au cours du développement cérébral, explique Karine Loulier. En plus de clarifier les différentes étapes de colonisation, d’expansion et de maturation du développement des astrocytes corticaux aboutissant à la formation d’un réseau continu, notre travail offre une vue sans précédent de la composition de ces familles d’astrocytes. Il révèle ainsi leur très grande diversité en termes de nombre, sous-types identitaires et de localisation dans le cortex cérébral des mammifères en formation » clarifie-t-elle. La chercheuse souhaite maintenant aller plus loin, en vérifiant si des anomalies de développement de ce réseau glial peuvent être corrélées avec des troubles psychiatriques de type autisme ou encore schizophrénie. Une nouvelle étape déjà engagée. 

Une révolution de l’imagerie cérébrale : ChroMS, une nouvelle technique de microscopie associant couleur, 3D et haute résolution – reportage – 2 min 109 – © Ecole polytechnique, 2019 

Notes :

* unité 1051 Inserm/Université de Montpellier, équipe ATIP-Avenir Corticogenèse : diversité et plasticité des cellules souches neurales au cours du développement cérébral, en contexte sain et pathologique, Institut des Neurosciences de Montpellier 

** unité 968 Inserm/CNRS/Sorbonne Université, équipe Neurogenèse et développement des circuits neuronaux, Institut de la vision, Paris 

*** regroupés au sein de l’Institut de la vision, du Laboratoire d’optique et biosciences (unité 1182 Inserm/CNRS/Ecole Polytechnique, Palaiseau) et du Molecular Imaging Research Center, une installation de recherche préclinique développée par le CEA et l’Inserm, sur le site du CEA à Fontenay-aux-Roses 

Source : S Clavreul et coll. Cortical astrocytes develop in a plastic manner at both clonal and cellular levels. Nature communications, édition en ligne du 25 octobre 2019. DOI : 10.1038/s41467-019–12791‑5