Dépression : Un futur médicament enfin efficace ?

De l’espoir pour traiter la dépression : en s’intéressant à une famille méconnue de protéines présentes dans le cerveau, les chercheurs de l’unité Inserm Neuroscience Paris Seine ont développé un candidat-médicament qui pourrait révolutionner le traitement des 300 millions de personnes touchées dans le monde.

Un article à retrouver dans le n°45 du magazine de l’Inserm

Découvrir de nouveaux médicaments est un processus long et complexe qui nécessite des approches combinées et souvent multidisciplinaires. C’est tout l’intérêt et la pertinence de la démarche adoptée par Sophie Gautron et son équipe du laboratoire Neuroscience Paris Seine*, spécialisée en neurobiologie des maladies psychiatriques, qui ont uni leurs compétences à celles d’une équipe de chimie pharmaceutique à l’université Paris Descartes. Cette collaboration fructueuse vient d’aboutir au développement d’un potentiel candidat-médicament pour traiter de manière plus efficace la dépression. 

Fréquente et invalidante, la dépression concerne 300 millions de personnes dans le monde et son impact clinique, social et économique est très important. Et si les premiers antidépresseurs ont été découverts il y a 65 ans, cette maladie reste encore mal soignée. Les traitements actuels, notamment des inhibiteurs de recapture de la sérotonine, un neurotransmetteur impliqué dans l’humeur, ont des délais d’action longs et une efficacité variable. Environ 30% des patients ne répondent pas de manière satisfaisante aux traitements et souffrent de dépression dite « résistante ». Mettre au point de nouveaux médicaments plus performants et qui agissent avec des modes d’action différents, constitue donc aujourd’hui un enjeu médical majeur. 

Testé avec succès sur un modèle animal de dépression chronique

Des études récentes ont montré qu’une famille peu connue de protéines présentes dans le cerveau, les transporteurs de cations organiques (OCT), jouait un rôle dans la régulation de l’humeur. « Nous avons donc fait l’hypothèse que ces transporteurs pouvaient être des cibles thérapeutiques, explique Sophie Gautron, et en collaboration avec Nicolas Pietranscosta de l’université Paris Descartes, nous avons utilisé une approche de modélisation 3D in silico [à l’aide d’algorithmes informatiques, ndlr.] pour développer un nouveau ligand des OCT. » Il a fallu ensuite optimiser cette molécule, en augmentant son affinité pour les OCT et sa capacité à diffuser dans le cerveau. Le composé synthétisé, une prodrogue, a été testé avec succès sur un modèle animal de dépression chronique, dans lequel les souris présentent des anomalies similaires aux symptômes des patients dépressifs : anxiété, troubles cognitifs, aversion sociale ou encore anhédonie, c’est-à-dire la perte du plaisir dans les activités quotidiennes. Après administration de la prodrogue, les souris ont montré une nette diminution de tous les symptômes, aussi efficacement qu’avec l’antidépresseur de référence, la fluoxétine (Prozac®), et même un effet accéléré à 11 jours sur l’anhédonie. « Nous avons observé que cette molécule agit sur l’activité des neurones dopaminergiques au sein d’une région du cerveau importante pour les processus de récompense et donc pour l’anhédonie », décrit Sophie Gautron. 

Ces premiers résultats inédits et ces travaux originaux apportent la preuve de concept que les transporteurs de cations organiques constituent des cibles thérapeutiques pertinentes pour les troubles de l’humeur. Les équipes de Sophie Gautron et de Nicolas Pietranscosta vont donc poursuivre leurs investigations afin d’optimiser la prodrogue synthétisée dans des études précliniques puis envisager des études cliniques sur l’Homme. Objectif à terme : développer une nouvelle classe d’antidépresseurs.

Note :
* unité 1130 Inserm/CNRS/Sorbonne Université 

Source : A. Orrico-Sanchez et coll. Antidepressant efficacy of a selective organic cation transporter blocker in a mouse model of depression.. Mol Psychiatry, 16 octobre 2019 ; doi : 10.1038/s41380-019‑0548‑4