Comment les cellules des mélanomes neutralisent l’action des lymphocytes T cytotoxiques

Un nouveau mécanisme permettant aux cellules de mélanome de s’auto-défendre contre l’attaque des lymphocytes T cytotoxiques vient d’être décrit. Cette découverte livre de nouvelles cibles thérapeutiques pour tenter d’augmenter la vulnérabilité de ces cellules malignes.

Un nouveau mécanisme utilisé par les cellules des mélanomes pour s’auto-défendre contre le système immunitaire vient d’être découvert par une équipe Inserm. Le mélanome est un cancer de la peau très agressif qui se joue de la réponse immunitaire du patient pour lui échapper et s’étendre. Plusieurs mécanismes sont impliqués dans cette résistance. C’est l’un de ceux qui lui permet de lutter contre les attaques des lymphocytes T cytotoxiques qui a été mis à jour. 

« Les cellules de mélanome expriment différents antigènes tumoraux qui sont reconnus par les lymphocytes T cytotoxiques. Ces derniers induisent des réponses spécifiques contre la tumeur : le lymphocyte T vient au contact de la cellule cancéreuse, créant une aire de contact spécialisée appelée synapse lytique, telles les synapses neuronales qui permettent de faire des ponts entre les neurones, explique Salvatore Valitutti, responsable de ces travaux. C’est depuis cette synapse lytique que le lymphocyte T libère des substances toxiques destinées à tuer la cellule cible ».

Les chercheurs ont analysé les événements se produisant au niveau de cette synapse en utilisant, entre autre, la microscopie time-lapse. Cette technique permet d’observer la dynamique cellulaire et les contacts entre cellules en temps réel. Grâce à des marqueurs fluorescents, les chercheurs ont même pu suivre le comportement de certaines des molécules des cellules de mélanomes 

Un bouclier de lysosomes

Les chercheurs ont ainsi constaté qu’au moment de la rencontre entre les deux types de cellules, un bouclier de lysosomes se forme quasiment instantanée le long de la membrane de la cellule cancéreuse. Les lysosomes sont des compartiments intracellulaires nécessaires à la dégradation de protéines et de matériaux à éliminer, contenant pour ce faire des enzymes de dégradation. « A peine quelques minutes après la formation de la synapse et le relargage de molécules toxiques par le lymphocyte T, des lysosomes sont recrutés le long de cette synapse et libèrent des protéases. Ces dernières détruisent alors les molécules toxiques censées tuer la cellule cancéreuse », décrit Salvatore Valitutti. 

Les chercheurs ont montré qu’en altérant cette fonction des lysosomes dans les cellules de mélanomes à l’aide de différentes drogues, en inhibant l’action des protéases qu’ils contiennent, ou encore en bloquant la fusion des lysosomes avec la membrane cellulaire, les cellules cancéreuses deviennent davantage sensibles à l’action des lymphocytes T, « ce qui confirme leur rôle spécifique dans le mécanisme de défense du cancer », conclut Salvatore Valitutti. 

Reste à développer de nouvelles approches thérapeutiques pour contrer ce mécanisme. « Un art délicat puisque bloquer les lysosomes des cellules cancéreuses risque aussi de bloquer ceux des lymphocytes T contenant les molécules toxiques actives », prévient le chercheur. « Plusieurs médicaments destinés à stimuler la réponse des lymphocytes T cytotoxiques sont en cours de développement par l’industrie pharmaceutique. L’idée est maintenant d’y associer un traitement qui permettrait d’augmenter en parallèle la sensibilité des cellules du mélanome à leur action, en ciblant le mécanisme de défense décrit dans notre étude ».

Note

*unité 1043 Inserm/CNRS/ université Toulouse III – Paul Sabatier, Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan, Toulouse 

Source

R. Khazen et coll. Melanoma cell lysosome secretory burst neutralizes the CTL-mediated cytotoxicity at the lytic synapse. Nature Communications, édition du 4 mars 2016