Colloque – Face à la douleur : Médecins, chercheurs et patients, 16–21e siècle

Le Comité pour l’histoire de l’Inserm organise le 7 juin 2023, à Paris, un colloque consacré à l’histoire de la prise en charge de la douleur, du 16e au 21e siècle. Le programme scientifique a été élaboré avec Didier Bouhassira, neurologue spécialiste de la douleur (unité Inserm 987), et Pascal Griset (Sorbonne Université), président du Comité pour l’histoire de l’Inserm.

Pour John Bonica, reconnu comme l’un des pionniers de la médecine de la douleur, le soulagement de la douleur est la raison première de l’avènement du shaman, du guérisseur, puis du médecin et de tous les professionnels de santé. Dès les années 1950, ce médecin anesthésiste, professeur à l’Université de Washington à Seattle, considéra que la douleur était plus qu’un signal biologique alertant le patient d’un dysfonctionnement ou d’une pathologie. Il fallait considérer de nouveaux domaines, en particulier la douleur chronique1.

Encore au tournant des années 1970–1980, on déplorait le retard accusé dans le domaine de la douleur comme champ de recherche biomédicale, alors que précisément les avancées en neurologie et biochimie promettaient une meilleure compréhension de ses mécanismes2. Toutefois, les réseaux scientifiques se structuraient. Fondée en 1974, l’International Association for the Study of Pain, réunion internationale et multidisciplinaire d’experts, proposa une définition de la douleur qui, régulièrement révisée, fit progressivement consensus auprès des autorités sanitaires : « la douleur est une expérience sensorielle ou émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans ces termes ». La douleur est ainsi subjective, elle relève des sens et de l’émotion. 

La douleur est également devenue un objet d’histoire. Dans son ouvrage de référence, Roselyne Rey appréhende la douleur comme étant « par nature double, au croisement du biologique et du culturel ou du social »3. L’approche historienne de la douleur s’est affirmée plurielle. Inscrite dans le sillage de l’histoire des mentalités et des sensibilités, elle renseigne aussi l’histoire de la santé publique (Isabelle Baszanger4) et plus largement l’histoire politique (Keith Wailoo5). La douleur est au cœur du colloque singulier entre le médecin et le patient. Joanna Bourke propose alors d’appréhender la douleur comme une relation entre des processus physiologiques en négociation permanente avec des mondes sociaux. « In other words, pain is what people in the past said was painful » écrit-elle6. Les travaux récents renforcent cette approche culturelle (Raphaële Andrault, Ariane Bayle7, Javier Moscoso8). Mais l’approche matérielle est encore trop peu approfondie : protocoles de mesure, techniques et produits visant à réduire la douleur devraient faire l’objet de nouvelles recherches en histoire. En la matière, la présente épidémie des opiacés peut profiter d’un éclairage historique sur les prescriptions des antidouleurs. 

Le prochain colloque organisé par le Comité pour l’histoire de l’Inserm en collaboration avec Didier Bouhassira, neurologue spécialiste de la douleur, en partenariat avec l’UMR SIRICE et Sorbonne Université, propose d’entrer dans cette histoire par la rencontre entre historiens, témoins et acteurs engagés dans la lutte et la recherche contre la douleur. Le colloque éclairera trois pans principaux de l’histoire de la douleur en lien avec les évolutions de la recherche :

  • la construction de la médecine de la douleur
  • les voies multiples de la prise en charge de la douleur
  • médecins et patients face à la douleur

Info pratiques

  • Date et horaires : 7 juin 2023, de 9h à 18h30
  • Lieu : Maison de la Recherche, Sorbonne Université – 28 rue Serpente, Paris 6e
  • S’inscrire (inscription gratuite mais obligatoire, dans la limite des places disponibles)

Notes

  1. John Bonica. Introduction, in Pain. New York, Raven Press, 1980.
  2. P. D. Wall. Editorial. Pain, 1975, n° 1 : 1–2.
  3. Roselyne Rey. Histoire de la douleur, Éditions de la découverte, 2011, [1re éd. 1993] : 5–13.
  4. Isabelle Baszanger. Douleur et médecine, la fin d’un oubli. Paris, Éditions du Seuil, 1995.
  5. Keith Wailoo. Pain : A Political History. Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2014.
  6. Bourke, Joanna. The Story of Pain : From Prayer to Painkillers. Oxford, OUP, 2014 : 9.
  7. Raphaële Andrault, Ariane Bayle dir. La douleur de l’Autre, xvi-xviie siècle. Histoire, médecine et santé, n° 21, printemps 2022.
  8. Javier Moscoso. Histoire de la douleur. París, Les prairies ordinaires, 2015, trad. [1re éd. 2011]. 

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