Des cellules à deux X favoriseraient la polyarthrite rhumatoïde chez les hommes

Les cellules féminines possèdent deux chromosomes X, porteurs de nombreux gènes impliqués dans l’immunité. Dans ce contexte, on peut comprendre que les femmes développent plus facilement des maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde. Mais qu’en est-il des rares hommes atteints ? Est-il possible qu’ils possèdent aussi des cellules à deux X ?

Les trois quarts des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde sont des femmes. Une des explications à ce biais sexuel tient au fait que le chromosome X, dont la femme possède deux copies (contre une seule chez l’homme), contient de nombreux gènes impliqués dans les fonctions immunologiques. Or, selon une étude tout juste menée par une équipe marseillaise* à partir des cellules du sang, les hommes souffrant de polyarthrite rhumatoïde présenteraient souvent un mosaïcisme cellulaire : alors que leurs cellules somatiques comportent bien 46 chromosomes dont une paire de chromosomes sexuels XY, une petite fraction d’entre elles présenterait des anomalies, à savoir un chromosome X supplémentaire (XXY), et/ou des cellules chimériques féminines XX. Dans cette étude, ces cellules pouvaient représenter jusqu’à 1,4% de celles qui circulent dans le sang périphérique. Ceci pourrait expliquer la survenue de la polyarthrite rhumatoïde chez les hommes, même si cette hypothèse reste à confirmer par des travaux complémentaires. 

La présence de nombreux gènes impliqués dans les fonctions immunologiques sur le chromosome X et leur polymorphisme génétique ne suffisent pas à expliquer la susceptibilité de genre vis-à-vis des maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde. Un mécanisme complémentaire reposerait sur une surexpression des gènes du chromosome X. En effet, pour éviter une surproduction des protéines issues des gènes du X dans les cellules XX, par rapport aux cellules XY, un des deux X subit une inactivation aléatoire. Cependant, certains gènes échapperaient à cette inactivation, conduisant de fait à leur surexpression et contribuant au développement de maladies auto-immunes. 

Mosaïcisme chez les hommes atteints de polyarthrite rhumatoïde

Pour mieux comprendre l’étiologie de la polyarthrite rhumatoïde chez les rares hommes concernés, l’équipe marseillaise a donc décidé d’étudier les chromosomes sexuels présents dans leurs cellules sanguines : les chercheurs ont dosé l’ADN de deux gènes présents sur le chromosome X, TLR7 et TLR8, dont l’implication dans l’auto-immunité est déterminante. Ils ont ainsi observé que, rapporté au nombre de cellules analysées, le nombre de copies de ces gènes était supérieur à celui attendu. Les chercheurs ont ensuite évalué si ce phénomène pouvait être dû à une duplication de ces gènes au sein du même chromosome, comme cela a pu être observé dans un modèle murin de maladies auto-immunes. Réponse négative : l’augmentation du nombre de copies de TLR7/8 ne venait pas d’une duplication/translocation, mais de la présence dans certaines cellules de deux chromosomes X, seuls (cellules XX) ou associés à un chromosome Y (XXY).

« Ce travail a demandé de visualiser et d’analyser individuellement les chromosomes de plus de 1 000 cellules chez chaque patient, et à reproduire cette procédure chez plusieurs dizaines de patients et de témoins non atteints de polyarthrite rhumatoïde, explique Nathalie Lambert, qui a dirigé l’étude. Nous avons observé une certaine hétérogénéité interindividuelle : si certains patients ne présentaient pas de mosaïcisme, d’autres présentaient jusqu’à 1,4 % de cellules XX ou XXY. Il serait maintenant intéressant d’évaluer si ce phénomène est retrouvé dans d’autres pathologies auto-immunes comme la sclérodermie, une maladie rare pour laquelle les femmes sont également plus souvent atteintes ».

Autre sujet d’investigation : confirmer le rôle des gènes TLR7 et TLR8 dans la physiopathologie de la maladie. La chercheuse explique : « L’augmentation du nombre de copies de ces gènes n’était pas corrélée avec une augmentation des ARN messagers correspondants, qui reflèterait leur surexpression. Cependant, nous avons conduit ces travaux sur les cellules du sang. Il y a donc deux explications possibles : la première est que l’auto-immunité est favorisée par d’autres gènes présents sur ce X surnuméraire, qui échapperaient à l’inactivation et seraient alors surexprimés. La seconde est que seules les cellules mosaïques présentes au niveau articulaire, siège de la pathologie, surexpriment les gènes TLR7 et TLR8″. Des études complémentaires sont nécessaires pour comprendre ce qui favorise le développement de la polyarthrite chez les hommes. 

Note :
*unité 1097 Inserm/ Aix-Marseille Université, Arthrites Autoimmunes, Marseille. 

Source : Martin GV et al. Mosaicism of XX and XXY cells accounts for high copy number of Toll like Receptor 7 and 8 genes in peripheral blood of men with Rheumatoid Arthritis. Sci Rep. 2019 Sep 9;9(1):12880. doi : 10.1038/s41598-019–49309‑4