AVC : des cellules lymphoïdes innées à la rescousse

Des cellules qui participent à la première ligne de défense de l’organisme – les cellules lymphoïdes innées – jouent aussi un rôle dans l’entretien de nos tissus. Une équipe Inserm du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy vient de montrer que, chez la souris, ces cellules sont recrutées dans le cerveau après un accident vasculaire cérébral et y favorisent la récupération fonctionnelle des animaux.

Chez la souris, les cellules lymphoïdes innées (ILC) réduisent les séquelles d’un accident vasculaire cérébral ischémique, causé par l’obstruction d’un vaisseau sanguin : les animaux présentent de meilleures capacités motrices lorsque ces acteurs immunitaires parviennent au site de la lésion. C’est ce que vient de montrer une équipe du Centre d’immunologie de Marseille-Luminy, dirigée par Serge van de Pavert, qui étudie le rôle de ces cellules du système immunitaire inné récemment décrites. Pour mémoire, le système immunitaire inné permet une réponse rapide de l’organisme en cas d’infection ou de lésion. Son action s’appuie sur un ensemble de cellules spécialisées : les cellules dendritiques, les polynucléaires, les monocytes, les macrophages… et donc aussi les cellules lymphoïdes innées. Cette première ligne de défense permet également d’en enclencher une deuxième, celle de l’immunité adaptative, qui est spécifique de l’intrus à éliminer et s’appuie quant à elle sur les lymphocytes T et les anticorps produits par les lymphocytes B.

Les ILC sont en quelque sorte une version « non spécifique » des lymphocytes T. Elles se différencient à partir des mêmes précurseurs que ces derniers, produisent les mêmes cocktails de cytokines, mais sont dépourvues de récepteurs spécifiques à un antigène, qui caractérisent les lymphocytes T. On en distingue trois sous-groupes, qui présentent des marqueurs cellulaires différents et dont la présence varie d’un tissu à l’autre : les ILC1 qui comprennent les cellules NK (pour Natural Killer), les ILC2 et les ILC3. « Au-delà de leur rôle dans la défense immunitaire, les cellules lymphoïdes innées sont impliquées dans le fonctionnement et le remodelage des organes et des tissus. À ce titre, elles sont retrouvées dans un grand nombre d’entre eux. Selon les circonstances, leur présence peut être bénéfique ou préjudiciable », explique Serge van de Pavert. Son équipe a souhaité les étudier dans le contexte de l’accident vasculaire ischémique : le cerveau est naturellement pauvre en cellules immunitaires, mais cet événement attire un grand nombre de cellules immunitaires : lymphocytes, monocytes, cellules dendritiques… Les scientifiques ont voulu savoir ce qu’il en était des ILC.

Un anneau de NK

Pour ce travail, les chercheurs ont utilisé un modèle de souris chez lesquelles on peut expérimentalement induire un AVC ischémique. Ils ont recherché la présence d’ILC dans leur cerveau à l’aide d’anticorps spécifiques de marqueurs présents à la surface des différents sous-groupes, et cela avant et après l’induction de l’AVC. Résultat : les ILC étaient absentes avant l’événement, mais présentes après. Autrement dit, l’AVC conduit au recrutement de ces cellules, en particulier à celui d’ILC1, dont des cellules NK.

Dans un second temps, l’équipe s’est penchée sur la répartition de ces cellules dans le cerveau des animaux. Grâce à des techniques d’imagerie, ils ont découvert qu’elles formaient un anneau autour de la lésion. D’autres expériences leur ont permis d’identifier la voie de signalisation qui les attire jusqu’à ce site : la voie CXCL12/CXCR4. « CXCL12 est une protéine appelée chimiokine, qui contrôle la migration de plusieurs types de cellules immunitaires innées. Elle se fixe sur des récepteurs CXCR4, qui sont justement présents à la surface des cellules NK. En bloquant cette voie, nous empêchons un grand nombre d’entre elles de migrer dans le cerveau des animaux », détaille Serge van de Pavert.

Des observations à confirmer chez l’humain

Le rôle fonctionnel des ILC recrutées en réponse à l’AVC a ensuite été exploré en soumettant les animaux à un test moteur, à savoir marcher en équilibre sur une petite poutre. Les souris qui présentaient un taux normal de cellules NK dans leur cerveau après l’AVC étaient plus habiles que celles chez lesquelles le recrutement de ces cellules avait été bloqué. « Nous constatons donc un effet bénéfique des cellules NK sur la récupération fonctionnelle après un AVC dans ce modèle de souris. Cette observation reste à confirmer chez l’Homme, mais elle suggère qu’il pourrait être intéressant de savoir moduler la production et l’activité de ces cellules dont le rôle est impliqué dans d’autres pathologies comme la sclérose en plaques, explique Serge van de Pavert. Une piste est celle la flore intestinale, dont on sait déjà qu’elle joue un rôle important dans la régulation de l’immunité. Une équipe américaine qui travaille à la modulation des cellules NK a obtenu une augmentation de leur quantité dans l’organisme en modifiant la composition de ce microbiote », conclut Serge van de Pavert.


Serge van de Pavert est responsable de l’équipe Développement du système immunitaire au Centre d’immunologie de Marseille-Luminy (CIML, unité 1104 Inserm/CNRS/Aix-Marseille Université).


Source : S. Wang et coll. Brain endothelial CXCL12 attracts protective natural killer cells during ischemic stroke. Journal of Neuroinflammation du 11 janvier 2023 ; doi : 10.1186/s12974-023–02689‑x

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Accident vasculaire cérébral ischémique © Inserm/Ribeiro, Maria-Joao