Aliments ultra-transformés : leur surconsommation semble associée à des troubles de la santé mentale

Barres chocolatées, biscuits, plats préparés, nuggets de poulets… La préparation des aliments ultra-transformés nécessite l’utilisation de plusieurs procédés de transformation et d’additifs qui vont modifier leur texture, leur saveur, leur durée de conservation… Plusieurs travaux ont déjà établi un lien entre leur consommation et des maladies métaboliques ou encore des cancers. Une nouvelle étude atteste cette fois d’un lien avec la récurrence de symptômes dépressifs.

Une consommation importante d’aliments ultra-transformés est associée à un surrisque d’obésité, de diabète, de dyslipidémie et de cancer. Une nouvelle étude montre que la santé mentale ne serait pas épargnée. Une association vient d’être établie entre ces produits – lorsqu’ils sont consommés en grande quantité – et le risque de récurrence de symptômes de dépression. L’équipe de Tasnime Akbaraly, chercheuse Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations à Paris, est à l’origine de ces travaux. Elle travaille sur les liens entre alimentation et santé mentale depuis une quinzaine d’années et a déjà montré qu’un régime déséquilibré, notamment de type « occidental », riche en acides gras et pauvre en fruits et légumes, est associé à un surrisque de dépression. Cette fois, elle a mené ses investigations en se penchant sur l’effet des aliments ultra-transformés. De fait, « il a été montré que ces produits favorisent le stress oxydatif et l’inflammation, et qu’ils modifient le microbiote intestinal ou encore l’expression du génome. Il n’est donc pas exclu qu’ils aient un impact sur la santé mentale, connue pour être sensible à ces différents facteurs », explique la chercheuse.

L’équipe a utilisé les données de la cohorte Whitehall II, qui inclut des fonctionnaires britanniques âgés de 35 à 55 ans, recrutés entre 1985 et 1988. Les symptômes dépressifs des participants et leurs éventuels recours à des médicaments antidépresseurs ont été évalués de façon répétée, quatre fois entre 2002 et 2016. En parallèle, la quantité d’aliments ultra-transformés qu’ils ont consommés entre 1991 et 2004 a été estimée à partir d’auto-questionnaires alimentaires, combinés à l’utilisation de la classification NOVA, qui distingue les aliments selon leur niveau de transformation. Pour chaque participant, les chercheurs ont calculé la proportion d’aliments ultra-transformés dans leurs apports quotidiens totaux. Ils ont ensuite pu les répartir en cinq groupes (cinq « quintiles ») de taille équivalente, reflétant cinq niveaux de consommation d’aliments ultra-transformés dans la cohorte. Enfin, les chercheurs ont étudié la récurrence de leurs éventuels symptômes dépressifs au cours des 13 années de suivi. Au total, cette analyse a porté sur 4 554 participants (dont 74 % d’hommes).

Un risque augmenté de près d’un tiers

Les chercheurs ont mis en évidence une association significative entre une consommation élevée d’aliments ultra-transformés et le risque de récurrence de symptômes dépressifs au cours du suivi de la cohorte.Les participants qui consommaient le plus d’aliments ultra-transformés (soit un tiers de leurs apports totaux) avaient 30 % de risque supplémentaire de présenter des épisodes de symptômes dépressifs récurrents, par comparaison avec les participants dont la part des aliments ultra-transformés dans les apports quotidiens était inférieure à un cinquième. « Cette association est indépendante des facteurs sociodémographiques, des habitudes de vie ou de la santé globale des individus, précise Tasnime Akbaraly. En outre, nos analyses montrent que la prise en compte de la part des produits ultra-transformés dans l’alimentation conduit à une atténuation substantielle de l’association entre la qualité du régime alimentaire d’un individu et son risque de symptômes dépressifs

Pour les auteurs, ces résultats soulignent l’importance de porter une attention particulière à la consommation de produits ultra-transformés dans les futures études sur les liens entre alimentation et santé mentale. Par ailleurs, ces observations sont une véritable invitation à explorer spécifiquement l’effet sur la santé mentale des différents procédés de transformation alimentaire, des additifs, des émulsifiants et des conservateurs ou encore des emballages. En attendant, « ces produits ultra-transformés sont déjà fortement déconseillés par les pouvoirs publics, qui recommandent de cuisiner soi-même des aliments dans leur forme la plus naturelle : légumes, viandes, poissons, farine complète… Ce travail renforce encore la pertinence du message. N’oublions pas que la santé mentale est aujourd’hui une priorité de santé publique, notamment dans le contexte d’une augmentation des troubles dépressifs depuis la pandémie de Covid-19, en particulier chez les jeunes », conclut Tasnime Akbaraly.

Aliments ultra-transformés, de quoi s’agit-il ?

Les produits ultra-transformés sont des préparations alimentaires emballées, prêtes à l’emploi, présentées comme pratiques et rapides à consommer. C’est par exemple le cas des charcuteries avec nitrites, des nouilles instantanées, des nuggets de poulet et autres bâtonnets de poisson, des galettes de légumes, des boissons lactées aromatisées, des pains, brioches ou gâteaux industriels et autres barres chocolatées… Ces aliments peuvent être assez éloignés de la matière première dont ils sont issus. Leur préparation nécessite en effet d’importantes transformations physiques, chimiques ou biologiques, obtenues par différents procédés, ainsi que l’ajout d’additifs de type émulsifiants, exhausteurs ou encore antioxydants, pour modifier leur texture, leur goût ou leur durée de conservation… Rien de tout cela n’existe en cuisine et les conséquences sur la santé de ces transformations et adjonctions font actuellement l’objet d’évaluations. En outre, ces produits sont souvent riches en sucres et en sel et affichent dans 80 % des cas des Nutri-Scores moyens ou défavorables (C, D ou E). Plusieurs études ont déjà établi un lien entre leur consommation importante et plusieurs maladies métaboliques, ainsi que des cancers.


Tasnime Akbaraly est chercheuse dans l’équipe Psychiatrie du développement et trajectoires, au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (unité 1018 Inserm/Université Paris-Saclay/UVSQ) à Paris.


Source : H Arshad et al. Association between ultra-processed foods and recurrence of depressive symptoms : the Whitehall II cohort study. Nutr Neurosci, 29 mars 2023 ; doi : 10.1080/1028415X.2022.2157927

Auteur : A. R.

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