Priscille Brodin espionne les pathogènes

Lorsqu’elle était toute jeune chercheuse, Priscille Brodin a développé une technique inédite d’observation des mécanismes d’infection par les agents pathogènes. Elle s’est appuyée dessus pour obtenir un financement du Conseil européen de la recherche (ERC Starting Grant), pour étudier la tuberculose. Elle continue aujourd’hui de l’utiliser pour travailler sur d’autres agents infectieux.

Priscille Brodin

Priscille Brodin est redoutable. Elle ne laisse aucun répit aux agents pathogènes, les espionnant sans relâche grâce à son « robot voyeur ». C’est pour cela que le Conseil européen de la recherche lui a fait confiance. 

Après une thèse en pharmacologie sur le VIH, Priscille Brodin est recrutée par l’Inserm en 2005, dans l’Unité de recherche dirigée par Stewart Cole à l’Institut Pasteur, à Paris. Elle fera cependant rapidement ses valises pour la Corée : l’institut Pasteur et le gouvernement coréen viennent de créer l’Institut Pasteur Corée, où elle est chargée de l’équipe destinée à la recherche d’antituberculeux. C’est là-bas qu’elle développe un procédé inédit d’observation de l’agent infectieux Mycobacterium tuberculosis : l’imagerie cellulaire à haut débit. « Je n’ai pas inventé le microscope lui-même, mais l’application, plaisante-t-elle. Cette dernière combine des supports microplaques et des marquages spécifiques qui permettent de suivre en temps réel le comportement de la bactérie dans une population de cellules. On obtient ainsi des milliers d’images de ce processus, avec des informations de nature structurelle et fonctionnelle, explique-t-elle. Avant, nous avions les appareils photos avec pellicules et nous prenions 24 photos tous les six mois. Aujourd’hui, nous avons nos smartphones et ces 24 photos, nous les prenons en 5 minutes. Là, c’est pareil : l’imagerie à haut débit permet de recueillir très rapidement une foule d’informations ». Le procédé est tellement innovant que l’Inserm la rappelle cinq ans plus tard, pour qu’elle l’importe en France. C’est là qu’elle décide de postuler à un financement du Conseil européen pour la recherche, qui lui accorde en 2010 un Starting Grant d’une valeur de deux millions d’euros pour cinq ans. 

Tuberculose et ulcère de Buruli

Ce financement lui permet de monter sa propre équipe et d’installer un microscope automatisé à haut débit dans le laboratoire de haut confinement (P3) de l’Institut Pasteur à Lille. Elle étudie les facteurs de virulence de Mycobacterium tuberculosis, mais aussi la façon dont la bactérie pénètre dans les macrophages et détourne leur machinerie à son profit. Elle teste également de nouveaux composés antibactériens, en alternative aux antibiotiques actuels qui sont devenus inefficaces contre la tuberculose multirésistante. 

À cela vient s’ajouter un million supplémentaire qu’elle obtient grâce au programme Investissements d’avenir. En voilà assez pour élargir ses recherches à d’autres agents pathogènes et en particulier Mycobacterium ulcerans responsable de l’ulcère de Buruli. Cette maladie entraîne des lésions cutanées très étendues, mais assez indolores. Sa technique d’imagerie à haut débit lui permet à Priscille Brodin d’observer pourquoi : il apparaît en effet que la bactérie secrète une toxine qui anesthésie les nerfs au niveau des lésions, par un mécanisme original. Une découverte qui ouvre la voie au développement de nouveaux antalgiques. 

Son « robot voyeur » permet en outre à des autres chercheurs d’étudier différents virus, parasites et autres microbes, en particulier le virus de l’hépatite C ou encore Toxoplasma gondii, l’agent de la toxoplasmose. 

Priscille Brodin poursuit actuellement ses travaux sur les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans les interactions entre les mycobactéries et les cellules de l’hôte. L’objectif est de développer de nouvelles thérapies, en particulier contre la tuberculose : « Nous continuons également à tester des molécules thérapeutiques et des combinaisons d’antibiotiques. Plusieurs articles sont en préparation et des essais précliniques sont en cours », se réjouit-elle. 

En savoir plus sur Priscille Brodin et ses travaux

Priscille Brodin dirige l’équipe Chémogénomique des mycobactéries intracellulaires au Centre d’infection et d’immunité de Lille (unité 1019 Inserm/CNRS/Université de Lille 1/Institut Pasteur de Lille). 

Priscille Brodin – interview – 2 min 42 – vidéo extraite de la série Rêves de recherche, rêve de chercheurs (2009–2010)