Des neurones de la reproduction… un peu partout dans le cerveau

Les neurones contrôlant les fonctions de reproduction chez l’homme et la femme ne sont pas uniquement situés dans l’hypothalamus comme le croyaient les chercheurs : on les trouve dans plusieurs aires cérébrales, suggérant qu’ils pourraient avoir d’autres rôles.

Les neurones chargés de réguler les fonctions de reproduction chez les mammifères, notamment chez l’homme, sont presque partout dans le cerveau ! Alors que les scientifiques pensaient qu’ils étaient confinés dans une petite région située au cœur du cerveau – l’hypothalamus – des chercheurs lillois* viennent de constater que seule une minorité d’entre eux y sont retrouvés : une grande proportion de neurones chargés de réguler les fonctions de reproduction sont en fait présents dans d’autres régions du cerveau fœtal, laissant suspecter des rôles insoupçonnés jusqu’à ce jour. 

Les chercheurs pensaient presque tout connaître de ces neurones grâce à des travaux menés chez la souris depuis vingt ans. Ils savaient notamment que les neurones contrôlant les fonctions de reproduction se différencient dans la « placode olfactive », comprenez l’ébauche de nez qui apparaît au début du développement embryonnaire. Ils migrent ensuite dans le cerveau jusqu’à l’hypothalamus et se mettent en mode « hibernation » pendant toute l’enfance. Ils se réveillent finalement au moment de la puberté, lors de la mise en place des fonctions de reproduction. Ces neurones produisent une hormone appelée GnRH (pour Gonadotropin Releasing Hormone), qui se lie à des récepteurs situés sur une glande à la base du cerveau, l’hypophyse. Cette dernière libère les hormones LH et FSH responsables du fonctionnement des gonades : maturation des spermatozoïdes, croissance folliculaire, production de testostérone, progestérone et estrogène... 

Chez l’humain, les travaux sont beaucoup plus rares. Jusqu’ici, seulement quatre études étaient parues sur le développement des neurones chargés de réguler les fonctions de reproduction, menées sur un nombre restreint d’embryons à un stade très précoce de développement. Or, certains troubles génétiques de la fertilité proviennent d’un défaut de migration de ces cellules qui restent bloquées au niveau du nez. Ce syndrome, dit de Kallmann, se caractérise également par une absence de puberté spontanée et une anosmie (absence d’odorat).

Des chercheurs de l’Inserm* ont donc voulu en savoir plus sur les modalités de migration de ces neurones chez l’homme, leur nombre et leur distribution dans le cerveau pendant le développement embryonnaire. Pour cela, ils ont travaillé sur des embryons humains âgés de 6 à 12 semaines, issus de dons de parents dans le cadre d’une interruption volontaire de grossesse. L’utilisation de techniques innovantes leur ont permis, pour la première fois, de rendre des tissus embryonnaires transparents et de visualiser les interactions cellulaires par immunofluorescence en 3D.

Une migration disparate chez l’homme

Les chercheurs ont ainsi pu observer les étapes de migration des neurones contrôlant les fonctions de reproduction au cours du premier trimestre de développement. C’est ainsi qu’ils ont constaté de manière inattendue que seulement 20% de ces cellules colonisent l’hypothalamus, alors qu’une population importante de neurones à GnRH occupe d’autres régions cérébrales, comme le cortex, le bulbe olfactif, l’hippocampe ainsi que certaines régions du système limbique. Alors que les comptages réalisés dans des hypothalamus récupérés post-mortem estimaient le nombre de ces neurones à 2 000, cette étude montre qu’il en existe 8 000 de plus, répartis dans les différentes aires cérébrales. 

Forts de ces observations, les chercheurs vont maintenant regarder de plus près ce qu’il en est chez la souris, afin d’étudier le rôle des neurones à GnRH dans ces structures impliquées dans diverses fonctions. « Il existe une imprégnation hormonale durant le développement du cerveau, prénatal et postnatal, dont un dysfonctionnement pourrait être à l’origine de certaines pathologies neurologiques et psychiatriques », propose Paolo Giacobini* (Centre de recherche Jean Pierre Aubert, Lille), responsable de ces travaux menés en collaboration avec l’équipe d’Alain Chédotal** (Institut de la Vision, Paris).

Note

* Unité 1172 Inserm/Université de Lille 1, CHRU de Lille, Centre de recherche Jean Pierre Aubert, Lille 

** Unité 968 Inserm/CNRS/Université Pierre et Marie Curie, Institut de la vision, Paris 

Source

F Casoni et coll. Development of the neurons controlling fertility in humans : new insights from 3D imaging and transparent fetal brains. Development (2016) 143, 3969–3981 doi:10.1242/dev.139444