Hépatite C

La seule maladie virale chronique à pouvoir être guérie

L’hépatite C chronique concernerait moins de 200 000 personnes en France, un chiffre en constante diminution ces dernières années. Cette maladie du foie d’origine virale reste longtemps silencieuse : elle évolue pendant dix, vingt ou trente ans avant que de graves complications apparaissent. Désormais, l’enjeu est de parvenir à diagnostiquer et à traiter les personnes infectées avant ce stade. Des médicaments permettant de guérir plus de 95% des personnes traitées sont désormais disponibles. En cela, l’hépatite C chronique est unique : elle est aujourd’hui la seule maladie virale chronique à pouvoir être guérie.

Dossier réalisé en collaboration avec Philippe Roingeard, directeur de l’unité 1259 Inserm/Université de Tours.

Comprendre l’hépatite C

L’hépatite C est une maladie du foie causée par un agent infectieux de la famille des flavivirus, le virus de l’hépatite C (VHC). Avec l’hépatite B, elle constitue l’une des formes les plus graves d’hépatite virale, capable d’engendrer une atteinte chronique du foie à risque de complications graves.

En 2011, on estimait à 345 000 le nombre de personnes ayant été en contact avec le VHC en France, et à 232 000 le nombre de porteurs chroniques du virus. Cependant, du fait de l’efficacité et de la prescription élargie des nouveaux traitements, ce dernier nombre est en constante diminution depuis 2014. Ainsi, en 2016, le nombre de porteurs chroniques était estimé à 193 000, dont seuls les deux tiers auraient connaissance de leur infection.

La France a adopté une politique de santé publique particulièrement proactive concernant le dépistage et la prise en charge de la maladie, ce qui explique la diminution récente et constante des chiffres de prévalence. Ailleurs dans le monde, l’enjeu reste important : 70 millions de personnes seraient chroniquement infectées – soit 1% de la population du globe – et plus de 350 000 personnes décèderaient chaque année des suites de cette maladie. 

Les hépatites – documentaire – 14 min 35 – vidéo extraite de la série Grandes tueuses (2016)

Des modes de contamination parfois sous-estimés

Le VHC se transmet essentiellement par voie sanguine. Les cas de contamination par voie sexuelle sont rares et limités aux personnes qui ont des partenaires multiples, des pratiques sexuelles brutales et/ou sont co-infectées par le VIH. Le risque de transmission maternofœtal est de l’ordre de 5% si le VHC est détectable dans le sang de la mère au moment de la naissance. En pratique, la principale voie de contamination actuelle passe par le partage de matériel entre usagers de drogues (seringue, paille de sniff, compresse…).

Historiquement, le virus s’est largement propagé par le biais des transfusions sanguines. La découverte du VHC en 1989 a ensuite permis d’écarter définitivement ce risque, au moins dans les pays industrialisés. Le virus a également pu se transmettre à l’occasion de tatouages, de soins dentaires ou d’acupuncture réalisés avec du matériel mal stérilisé, mais cette voie de contamination est aujourd’hui anecdotique. 

Depuis l’identification du virus, les mesures de prévention et de dépistage ont largement permis de réduire l’ampleur de l’infection en France : même si on ne dispose d’aucune évaluation précise récente du nombre annuel de nouveaux cas en France, on pense que quelques milliers de personnes contractent encore le virus chaque année, essentiellement parmi les usagers de drogues. L’évolution récente des traitements favorise une moindre circulation du virus et donc, potentiellement, une diminution des nouvelles infections. 

Les usagers de drogues pratiquent pour la plupart des tests de dépistage réguliers pour le VHB, VHC et VIH. Ils sont donc souvent diagnostiqués. Restent que les personnes n’ayant pas le sentiment d’appartenir à un groupe à risque sont peu enclins à réaliser un dépistage : celles ignorant avoir reçu une transfusion sanguine avant 1992, celles ayant été infectées à l’occasion d’une unique consommation de drogue… Au total, on estime que près d’une personne concernée sur trois ignore qu’elle est infectée par le VHC.


Les six virus de l’hépatite

L’hépatite est un terme générique sous lequel on rassemble les pathologies caractérisées par une inflammation du foie. Deux types d’agents peuvent causer une hépatite : des virus et des produits toxiques (alcool, médicament…). On parle ainsi respectivement d’hépatites virales et d’hépatites toxiques.

Les hépatites virales, de loin les plus fréquentes à travers le monde, peuvent être dues à six virus différents : A, B, C, D, E et G, l’existence d’un virus de l’hépatite F, soupçonnée un temps, ayant été depuis infirmée. S’ils ont pour point commun de cibler le foie, ils présentent tous des structures très différentes, ce qui explique que chacun nécessite le développement de traitements préventifs ou curatifs spécifiques. 

Les virus de l’hépatite A (VHA) et de l’hépatite E (VHE) se transmettent en cas de conditions d’hygiène précaires, via l’eau ou des aliments contaminés ; on les retrouve dans les selles de personnes infectées. Les deux virus provoquent une hépatite aiguë qui disparaît après quelques semaines d’évolution. La maladie associée au VHE est souvent plus discrète que celle associée au VHA. 

L’hépatite D est due à un covirus du VHB qui ne touche que les personnes déjà contaminées par ce dernier. Les deux virus utilisent les mêmes voies de transmission. Se protéger du VHB permet de se protéger du VHD. Des travaux récents posent l’hypothèse que le VHD pourrait aussi utiliser d’autres virus humain pour se propager. Ces travaux restent toutefois très préliminaires et nécessiteront d’être confirmés. 

Le virus de l’hépatite G (VHG) se transmet par voie sanguine et n’entraîne que peu de symptômes. 

Pour en savoir plus sur l’hépatite B


Une infection longtemps silencieuse

A moins qu’un dépistage ne soit réalisé de façon fortuite, l’infection par le VHC est généralement diagnostiquée tardivement, lorsque l’hépatite C est devenue chronique et que ses conséquences sur le foie sont avancées. 

Dans les 2 à 12 semaines suivant l’infection, le VHC provoque une hépatite aiguë. Dans la plupart des cas, les symptômes (fatigue, ictère, urines foncées, selles blanchâtres) sont inexistants et la maladie imperceptible par le malade lui-même. Mais exceptionnellement (dans moins de 1% des cas), l’hépatite aiguë est dite fulminante : le foie est alors très endommagé et les symptômes sévères. Dans ce cas, une transplantation hépatique doit être envisagée en urgence. 

La phase d’hépatite C aiguë correspond à une période au cours de laquelle le système immunitaire tente de se débarrasser du virus : seuls 10 à 20% des personnes infectées y parviendront et guériront de l’infection. Pour les 80 à 90% restants, l’infection devient chronique et le virus s’installe définitivement dans les cellules du foie.

Des symptômes importants mais tardifs

Durant des années, l’hépatite C chronique progresse silencieusement. Les cellules du foie infectées, détruites par les défenses immunitaires, sont progressivement remplacées par un tissu cicatriciel fibreux. Le degré de fibrose atteint par chaque patient est difficilement prédictible car il dépend de beaucoup de paramètres dont certains sont méconnus (âge, co-infection par le VIH ou par le VHB, consommation d’alcool…).

Chez 10 à 20% des patients, la fibrose évolue vers une cirrhose après 10 ou 15 années. Le foie n’est alors plus capable d’assurer ses fonctions normales et des symptômes graves apparaissent : hémorragie au niveau de l’œsophage ou du tube digestif, ascite (liquide présent dans l’abdomen), œdèmes

Parallèlement à l’atteinte du foie, la plupart des malades développent aussi d’autres symptômes : fatigue, insulinorésistance puis diabète, pathologies cardiaques, troubles cutanés… 

Pour les patients dits cirrhotiques, il existe à terme un risque accru de cancer du foie (hépatocarcinome ou carcinome hépatocellulaire) : chaque année, 1 à 5% d’entre eux développent un cancer. 

Dépister pour mieux diagnostiquer

Le dépistage de l’hépatite C repose sur la recherche d’anticorps spécifiques que les défenses immunitaires du patient produisent au contact du VHC. Si cette recherche est positive, un dosage sérique est pratiqué pour détecter la présence du virus dans le sang. Si ce second test est positif, la personne est bien porteuse du VHC. Un bilan médical, évaluant notamment l’état du foie, est alors nécessaire pour orienter la prise en charge : dosage biologique des enzymes hépatiques (ALAT), évaluation de la fibrose hépatique par biopsie et/ou par une méthode non invasive (élastométrie)…

Le dépistage sanguin du VHC peut être réalisé en laboratoire d’analyses médicales sur prescription médicale ou dans un Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD). Par ailleurs, il existe désormais des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD), moins performants, mais qui présentent l’avantage d’être réalisables en temps réel à partir d’une simple goutte de sang prélevée au bout du doigt. S’ils doivent toujours être complétés par un test sanguin classique, ils constituent un outil complémentaire, particulièrement adapté pour être utilisé dans un contexte associatif auprès de populations à risque éloignées du soin (personnes précarisées, migrants, usagers de drogues…). 

Il est recommandé de pratiquer un dépistage individuel de l’infection au moins une fois au cours de la vie, simultanément à celui du VIH et du VHB. Il est également recommandé de réaliser des dépistages réguliers après tout comportement à risque de contamination (échanges de seringues ou de pailles, rapport sexuel traumatique…). Le dépistage est également systématiquement réalisé chez les femmes enceintes. 

Une révolution thérapeutique en cours

L’objectif du traitement de l’hépatite C chronique est d’éradiquer le virus de l’organisme. Il permet de stopper le processus de dégradation du foie. Le foie étant capable de se régénérer, la guérison permet aussi d’envisager une régression partielle de la fibrose, sans que l’on puisse la prédire. En revanche, le traitement antiviral ne permet pas toujours de changer le cours d’une cirrhose ou d’un cancer du foie, des pathologies qui relèvent de traitements spécifiques. Il est donc important de débuter le traitement avant que n’apparaissent les symptômes hépatiques. 

Jusqu’en 2014, le traitement de référence de l’hépatite C chronique reposait sur l’association de deux molécules : l’interféron pégylé et la ribavirine. Administré durant 24 à 48 semaines selon le profil (ou « génotype ») du virus, ce traitement permettait d’atteindre la guérison chez près de 40% des personnes traitées. Pour les autres patients, la bithérapie n’était pas efficace, difficile à suivre ou mal tolérée. Aucun traitement ne pouvait être proposé à ces personnes en impasse thérapeutique. 

Depuis, une nouvelle génération d’antiviraux d’action directe (AAD) a été développée et commercialisée. Ils ciblent des mécanismes spécifiques de la réplication du virus et sont en règle générale prescrits en association. A ce titre, ils offrent une efficacité comprise entre 95 et 100%, selon les combinaisons thérapeutiques. Il existe aujourd’hui trois types d’AAD, commercialisés ou en développement : 

  • les inhibiteurs de protéase NS3A/4A : glécaprévir, grazoprévir, paritaprévir, voxilaprévir...
  • les inhibiteurs de la protéine NS5A : daclatasvir, elbasvir, lédipasvir, pibrentasvir, velpastavir...
  • les inhibiteurs de la protéine NS5B : dasabuvir, sofosbuvir...

Depuis leur commercialisation, la grande efficacité et la bonne tolérance des AAD ont profondément modifié la stratégie thérapeutique de la maladie. Initialement réservés aux patients dont la fibrose était avancée, et aux personnes à risque (co-infection VIH, manifestations extrahépatiques...), le traitement a été progressivement élargi aux patients dont la fibrose est minime et même asymptomatique. On estime ainsi que 99% des patients traités par une association d’AAD (déterminée selon le génotype du virus, le profil et les comorbidités du patient) guérissent après 8 à 12 semaines, parfois 16 semaines de traitement. 

Le coût des nouveaux médicaments a été réduit et, en France, il est pris en charge pour tous les patients au titre de la solidarité nationale. Il reste cependant élevé et incompatible avec un traitement à large échelle dans d’autres pays, a fortiori dans les pays de forte endémie qui n’ont pas les moyens des pays occidentaux (pays d’Europe de l’Est, d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient). 

Les enjeux de la recherche

Grâce aux importants progrès réalisés sur le plan thérapeutique, les perspectives de guérison de l’hépatite C chronique sont encourageantes. Elles ont fait émerger l’ambition d’une éradication de la maladie dans certains pays comme la France − voire, à long terme, au niveau international. L’enjeu est important mais reste encore difficile à atteindre, y compris au sein d’un pays comme le nôtre. En effet, il nécessite que toutes les personnes infectées connaissent leur statut viral, et donc que le dépistage soit systématique pour toutes les personnes et après toute prises de risque. À l’échelle mondiale, l’Organisation mondiale de la Santé vise à ce que 80% des malades soient traités d’ici 2030. Elle reconnaît elle-même l’ampleur du chemin à réaliser d’ici là, estimant que 2 millions de personnes sont nouvellement infectées par ce virus chaque année dans le monde. 

Afin d’améliorer la lutte contre le VHC au niveau mondial, la perspective d’un vaccin est prometteuse, bien qu’elle en soit encore au stade de la recherche. De nombreuses pistes de développement ont été suivies mais n’ont pas permis d’aboutir à ce jour. Cependant, un vaccin expérimental ciblant des protéines virales différentes de celles ciblées par ses prédécesseurs jusqu’ici, et combiné à une protection vaccinale contre le VHB, a donné de premiers résultats encourageants. Il est issu des travaux d’une équipe Inserm et fait l’objet d’un développement industriel par la start-up ViroCoVax, récompensée par le prix i‑Lab du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en 2018. 

En parallèle, le développement de nouveaux traitements se poursuit, avec en outre l’objectif d’identifier les molécules et/ou leurs combinaisons les plus efficaces pour chaque profil de patient : sont pris en compte, au-delà du génotype viral, les comorbidités éventuelles, les résistances à d’anciens traitements, le fait que le patient a été transplanté ou réinfecté par le VHC.… Dans ces études, la réversibilité de lésions hépatiques modérées a déjà été décrite. Mais elle n’est pas systématique lorsque les atteintes sont plus importantes (fibrose sévère, cirrhose, cancer) : la recherche doit mieux décrire les mécanismes en jeu dans leur apparition et leur évolution, ainsi que les facteurs prédictifs de leur survenue, afin de pouvoir les contrer 

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