Psoriasis

Des traitements le plus souvent efficaces

Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique qui s’exprime principalement au niveau de la peau, par des plaques rouges recouvertes de squames. Multifactorielle, elle est déclenchée par l’association de facteurs génétiques et environnementaux. Si cette dermatose est le plus souvent bénigne, environ 20 % des personnes atteintes souffrent de formes sévères caractérisées des lésions cutanées étendues et/ou par la présence d’autres atteintes, notamment articulaires. Les progrès thérapeutiques significatifs accomplis ces dix dernières années permettent aujourd’hui un bon contrôle des symptômes chez une majorité de patients. Et la recherche se poursuit pour mieux décrire les mécanismes physiopathologiques de cette maladie, afin d’améliorer sa prévention et sa prise en charge.

Dossier mis à jour avec la collaboration de Chloé Grolleau, service de dermatologie et équipe de recherche Immunité cutanée et inflammation (unité Inserm 976), dirigé par Jean-David Bouaziz à l’hôpital Saint-Louis (Paris).

Comprendre le psoriasis

Le psoriasis est une maladie inflammatoire chronique de la peau (dermatose) qui touche environ 2 % de la population française. Dans environ 20 % des cas, il se complique avec l’apparition de manifestations articulaires : les rhumatismes psoriasiques. Maladie multifactorielle, ses mécanismes physiopathologiques font intervenir des facteurs génétiques, environnementaux (infection, stress local ou psychologique…), microbiologiques et immunologiques.

Si le psoriasis peut survenir à tout âge, il existe deux principaux pics d’apparition : à l’adolescence puis vers la cinquantaine. Environ un tiers des cas se déclarent avant 20 ans, y compris chez des personnes très jeunes. Les débuts précoces ne sont pas plus sévères, mais ils sont associés à davantage de récidives par la suite. 

L’évolution de la maladie est imprévisible. Elle progresse par poussées d’intensité variable, entrecoupées de rémissions de durée également variable. Il peut s’écouler plusieurs années entre deux poussées. 

Des mécanismes inflammatoires de mieux en mieux compris

Le psoriasis est dû à un dérèglement immunitaire qui entraîne :

  • une inflammation chronique et exagérée de la peau 
  • une surproduction de kératinocytes, les cellules productrices de kératine majoritaires dans l’épiderme

Suite à l’exposition à différents facteurs déclenchants – comme le stress, une infection ou encore la consommation d’alcool­ –, le système immunitaire dit « inné » s’active de manière anormale et produit des molécules inflammatoires (interférons, IL-23…) qui attirent dans la peau des globules blancs (lymphocytes T activés et des polynucléaires neutrophiles). Ces cellules immunitaires vont à leur tour produire localement d’autres molécules inflammatoires (cytokines IL-17, IL-22, TNF-α…) qui auto-entretiennent l’inflammation et stimulent la prolifération des kératinocytes. Le délai de renouvellement de ces cellules, trois semaines en temps normal, passe alors à trois jours. Il en résulte une accumulation de kératinocytes immatures à la surface de la peau, qui augmente l’épaisseur de sa couche externe (la cornée) : on parle d’hyperkératose.

Des formes légères à sévères

Le psoriasis est caractérisé par des plaques rouges dues à l’inflammation, recouvertes de pellicules blanches (les squames) qui correspondent à des dépôts de kératinocytes morts. Ces plaques sont habituellement localisées au niveau des zones de frottement ‑coudes, avant-bras, genoux, bas du dos – mais aussi sur le cuir chevelu, les parties génitales, les mains ou les pieds et les ongles. Toutefois, des plaques peuvent apparaître n’importe où, y compris sur les muqueuses (mais rarement au niveau du visage). Elles peuvent s’étendre sur de grandes surfaces du corps. 

Plusieurs formes cliniques de la maladie existent, parmi lesquelles :

  • Le psoriasis en plaques ou psoriasis vulgaris : c’est la présentation clinique la plus fréquente. Les plaques sont bien délimitées, avec des bords nets. Les lésions, souvent en relief, peuvent présenter une guérison centrale, témoin de l’activité périphérique des plaques. Elles sont le plus souvent indolores, mais elles peuvent entraîner des démangeaisons et se fissurer.
  • Le psoriasis en goutte, caractérisé par de plaques de petite taille, nombreuses et en forme de larmes. Il est principalement rencontré chez l’enfant et le jeune adulte, classiquement à la suite d’une infection des voies aériennes supérieures.
  • Le psoriasis pustuleux, est une forme plus rare mais plus souvent résistante aux traitements. Volontiers familial, il se manifeste par des pustules ou des plaques inflammatoires pustuleuses qui peuvent être localisées aux paumes et aux plantes ou bien généralisées, ce qui conditionne la gravité de la maladie.

Certains patients présentent des petites lésions discrètes qui disparaissent spontanément. D’autres souffrent de formes très étendues et handicapantes. La sévérité du psoriasis peut être évaluée à l’aide du score PASI (Psoriasis Area and Severity Index) compris entre 0 et 72 (pour les formes les plus sévères). Un score supérieur à 10 signifie que le psoriasis est modéré, et environ 20 % des cas sont considérés comme modérés à sévères. Chez ces patients : 

  • les plaques sont très étendues sur le corps et recouvrent au moins 10 % de la surface corporelle
  • la maladie est associée à des atteintes articulaires douloureuses, au niveau des mains ou ailleurs (rhumatisme psoriasique)

Dans ses formes sévères, la maladie peut devenir grave. C’est le cas lorsque les lésions cutanées atteignent plus de 90 % de la surface corporelle, nécessitant parfois une hospitalisation, ou encore en cas de psoriasis pustuleux généralisé ou de psoriasis associé au VIH.


Le rhumatisme psoriasique 

Le rhumatisme psoriasique affecte au moins 20 % des patients. En plus des lésions cutanées, l’inflammation touche les articulations. En l’absence de traitement adapté, cette complication peut entraîner une déformation des articulations et une limitation fonctionnelle. Elle se caractérise par des douleurs, notamment la nuit et au réveil, qui peuvent toucher le rachis, ou encore les doigts et les orteils. Les symptômes sont aggravés par le repos.

Ces manifestations articulaires surviennent généralement après l’apparition des symptômes cutanés, même si elles les précèdent ou sont concomitantes dans 10 à 15 % des cas.

Les atteintes cutanées du cuir chevelu, du sillon interfessier et de l’ongle semblent associées à un risque accru de développer un rhumatisme psoriasique. De même, la sévérité du psoriasis est un élément lié à la survenue de l’atteinte articulaire. Un outil de dépistage, PURE‑4, permet de suspecter un risque de rhumatisme psoriasique grâce à quatre questions simples, pour orienter le patient vers un rhumatologue.


En cas de psoriasis sévère, les répercussions d’ordre social (gêne) et professionnel (handicap) génèrent un état dépressif chez 30 à 40 % des patients. Le retentissement sur leur qualité de vie peut être évalué par un questionnaire DLQI (Dermatology Life Quality Index) qui interroge sur la gêne ressentie et les difficultés sociales et familiales éventuellement rencontrées.

Par ailleurs, le psoriasis est associé à une augmentation du risque de maladie cardiovasculaire (athérosclérosediabète de type 2, infarctus du myocarde…) d’environ 25 %, indépendamment des autres facteurs de risque traditionnels tels que le surpoids, l’hypercholestérolémie ou le diabète. Ce risque augmente avec la sévérité du psoriasis et l’atteinte rhumatismale.

Des facteurs favorisants

Il existe une prédisposition génétique au psoriasis et au moins 30 % des cas correspondent à des formes familiales. Plusieurs variants génétiques associés à la maladie ont déjà été identifiés, notamment au niveau des gènes CARD14, IL36RN, AP1S3. Il s’agit majoritairement de gènes impliqués dans l’immunité, codant pour des protéines du système HLA ou des lymphocytes T, ou encore des interleukines qui jouent un rôle dans l’inflammation de la peau. Ces variants sont nombreux et – en dehors de cas très particulier de psoriasis pustuleux généralisés familiaux – aucune mutation identifiée ne peut déclencher la maladie à elle seule : c’est l’association de plusieurs d’entre elles qui fait le lit du psoriasis.

Ce terrain génétique augmenterait la sensibilité du système immunitaire, en abaissant le seuil de déclenchement de l’inflammation face à des facteurs déclenchants comme les frottements, le stress, un choc émotionnel ou un traumatisme, des modifications climatiques, une infection, la consommation d’alcool ou encore la prise d’un médicament. Ces facteurs déclenchants peuvent être différents d’un individu à un autre et varier au cours de la vie du patient. 

Des traitements symptomatiques

Il n’existe aujourd’hui aucun traitement qui permette de guérir du psoriasis. Toutefois, il est possible d’en réduire considérablement les symptômes et d’améliorer la qualité de vie des patients grâce à plusieurs approches. Ces traitements symptomatiques doivent être pris en continu pour éviter les rechutes. Des cures thermales peuvent être prescrites dans certaines situations et prises en charge par l’assurance maladie. Toutefois, leur bénéfice thérapeutique reste discuté. 

Les traitements locaux

Les traitements locaux du psoriasis sont adaptés aux formes peu étendues (score PASI < 10) ou en complément des autres thérapeutiques dans les formes sévères.
Les corticoïdes locaux (ou dermocorticoïdes) permettent une prise en charge efficace, mais ils ne peuvent être utilisés qu’à court terme en raison de leurs effets indésirables. Leur efficacité a été montrée chez 30 à 50 % des patients après 4 à 6 semaines. Ils permettent de réduire la dose et la durée de la photothérapie lorsque celle-ci est également nécessaire. Ils peuvent par ailleurs être associés à un dérivé de la vitamine D3 qui possède des effets antiprolifératif et anti-inflammatoire.

La photothérapie

Cette thérapeutique repose sur une exposition de la peau aux ultraviolets sous contrôle dermatologique. Elle est indiquée dans les formes plus diffuses de psoriasis en plaques. La PUVA thérapie, qui utilise des UVA, est efficace. Néanmoins, elle nécessite l’adjonction d’un photosensibilisant qui augmente le risque de cancers cutanés (carcinomes épidermoïdes et mélanomes) et présente des problèmes d’accessibilité car elle doit être répétée en cabine UV deux à trois fois par semaine. Elle est de plus en plus substituée par la photothérapie UVB à spectre étroit.

Les traitements systémiques

Quand le psoriasis est étendu au-delà de 10 % de la surface corporelle, un traitement immunosuppresseur administré par voie orale est recommandé : méthotrexate, acitrétine ou encore ciclosporine. Ces traitements peuvent être associés à la photothérapie.

En l’absence de réponse à au moins deux de ces traitements les biothérapies offrent le plus souvent des résultats remarquables sur les psoriasis résistants et les rhumatismes psoriasiques. Elle consiste en l’injection d’anticorps monoclonaux qui ciblent spécifiquement un médiateur de l’inflammation impliqué dans la maladie. Il existe plusieurs familles de molécules : 

  • Les anti-TNFα : adalimumab, étanercept, infliximab, certolizumab
  • Les anti-IL12/IL23 : ustekinumab
  • Les anti-IL17 : secukinumab, ixekizumab, brodalumab, bimekizumab
  • Les anti-IL23 : guselkumab, tildrakizumab, risankizumab

L’adalimumab (anti-TNFα) ou l’ustekinumab (anti-IL12/IL23) sont recommandés en première ligne. Avec ces deux traitements, environ 75 % des patients obtiennent une amélioration significative de leurs symptômes (rémission de 75 % de leurs symptômes) après 4 mois et une rémission quasi complète est observé chez près de 45 % d’entre eux. En l’absence de réponse, une autre molécule sera être prescrite. 

Il existe en outre une nouvelle biothérapie qui cible le récepteur de l’IL36, le spesolimab. C’est la première indiquée dans le psoriasis pustuleux généralisé, avec une efficacité sur les lésions actives et dans la prévention de nouvelles poussées.

Cependant, ces biothérapies affaiblissent les défenses immunitaires des patients et augmentent leur sensibilité aux infections. En outre, il existe un risque de perte d’efficacité au cours du temps. Dans la pratique, environ un tiers des patients doivent changer de biothérapie dans les 3 ans suivants le début de la prescription majoritairement du fait d’une perte d’efficacité de la biothérapie initialement administrée et plus rarement à cause d’effet secondaire (environ 10 % des cas).

En cas d’échec des biothérapies, une autre molécule immunomodulatrice peut être proposée : l’aprémilast (un inhibiteur de l’enzyme phosphodiestérase‑4, nécessaire au fonctionnement des lymphocytes T). Sa position dans l’arsenal thérapeutique se justifie par une efficacité moindre et des effets indésirables rares mais graves (troubles de l’humeur avec dépression, voire idées suicidaires) survenus chez certains patients.

Les enjeux de la recherche

Approfondir la compréhension des mécanismes physiopathologiques

Pour développer de nouveaux médicaments plus spécifiques et mieux tolérés, les laboratoires tentent de mieux comprendre les mécanismes pathologiques impliqués dans le développement du psoriasis, comme les interactions entre les cellules immunitaires et les cellules cutanées résidentes, ou la nature et le rôle des différentes molécules qui participent à l’inflammation qui caractérisent les lésions. Ainsi, des équipes étudient les contributions de plusieurs populations de lymphocytes T (Th17, Th22, T régulateurs, T résidents mémoires…) ou encore du rôle pathogène de la voie des interférons de type I dans différents types de psoriasis. D’autres travaillent sur différentes protéines de surface qui pourraient jouer un rôle dans l’inflammation cutanée, comme les récepteurs de la famille TRPV (transient receptor potential vanilloid) présents sur des kératinocytes ou le canal calcique Cav1.4 retrouvés sur les Th17.

La recherche de facteurs génétiques associés au psoriasis se poursuit également, en particulier dans les formes familiales de psoriasis vulgaire ou pustuleux. Le but est là encore de mieux comprendre la physiopathologie de la maladie et de découvrir de nouvelles cibles thérapeutiques (une approche qui a déjà permis le développement du spesolimab).

Optimiser les stratégies thérapeutiques

Des travaux sont en outre conduits pour améliorer les traitements disponibles, notamment en termes de sécurité, affiner les stratégies thérapeutiques et prédire leur efficacité dans un contexte où les traitements doivent être prescrits de manière prolongée.

Des chercheurs évaluent par exemple l’intérêt d’associer la prise de méthotrexate à une biothérapie anti-TNF‑α, pour prolonger la réponse à ce traitement. Pour améliorer les réponses au traitement par anti-IL-17 et anti-IL-23, l’étude REMISSiOn évalue l’effet du microbiote intestinal sur son efficacité. Il existe en effet de plus en plus d’arguments qui laissent penser que les bactéries abritées dans par notre système digestif influencent notre système immunitaire et peuvent favoriser ou au contraire empêcher le développement de maladies inflammatoires comme le psoriasis. À terme, l’idée serait de moduler la composition du microbiote pour prévenir les rechutes chez les patients qui bénéficient de ces biothérapies.

Une autre étude, conduite au CHU de bordeaux, porte sur l’adhésion et l’observance thérapeutique à long terme. Son objectif est d’identifier les obstacles à cette observance ainsi que les leviers qui permettraient de l’améliorer, au bénéfice des patients atteints de psoriasis.

L’étude PERSE s’intéresse quant à elle aux secondes lignes de biomédicaments prescrites aux patients atteints de psoriasis, selon le premier traitement reçu et les facteurs associés au maintien du traitement. L’objectif est de guider la prescription de biothérapie en seconde ligne après un premier traitement inefficace ou mal toléré.

Enfin, compte-tenu du nombre croissant de molécules disponibles et de la nécessité de synthétiser le plus rigoureusement possible l’ensemble des données s’y rapportant, une équipe spécialisée en épidémiologie évalue la méthodologie des essais cliniques, des méta-analyses et des données de sécurité publiées.

Étudier et comprendre les comorbidités

Des chercheurs tentent par ailleurs de clarifier le lien observé entre psoriasis et troubles cardiovasculaires. Plusieurs hypothèses sont formulées : ce lien est-il en rapport avec un désordre métabolique ? Est-il le fruit de facteurs immunitaires et inflammatoires communs aux deux types de maladies ? Des chercheurs comparent le métabolisme et les phénotypes cutané et immunitaire de patients psoriasiques et de témoins non affectés pour apporter des éléments de réponse à ces questions. D’autres travaux portent sur l’effet des traitements contre le psoriasis sur la santé cardiovasculaire, avec par exemple une étude sur le risque d’accident cardiovasculaire sous anti-IL17 et anti-TNFα.

Enfin le retentissement du psoriasis sur la qualité de vie et la santé mentale des patients étant important, des travaux portent leur attention sur l’association entre pathologies psychiatriques et psoriasis ou rhumatisme psoriasique.

Pour aller plus loin

  • Le Psoriasis – dossier du site d’information de la Société française de dermatologie
  • Psoriasis – dossier de l’Assurance maladie
  • France Psoriasis – association pour la lutte contre le psoriasis