Dissémination des maladies infectieuses, un nouveau modèle prédictif

Un nouveau modèle mathématique permet de prédire les capacités de dissémination d’une maladie infectieuse grâce aux flux de transports à travers le monde. Sa sensibilité est supérieure à celle des précédents modèles car il prend en compte le lieu de résidence des voyageurs : une première.

Un modèle permet désormais de prévoir avec plus de précision la progression d’une maladie infectieuse à travers le monde. Son originalité vient du fait que, pour la première fois, il tient compte du lieu de résidence des individus. 

« Jusque là, les modèles mathématiques destinés à modéliser la propagation d’une maladie à large échelle sous forme d’équations reposaient sur des mouvements de population sans connaître le lieu de résidence des voyageurs. Une personne qui faisait un vol Paris – San Francisco avec escale à New York puis qui rentrait chez elle comptait comme trois déplacements indépendants : Paris-New York, New York-San Francisco puis San Francisco – Paris, sans notion de durée de séjour dans ces différentes villes. Aujourd’hui, notre nouveau modèle tient compte du fait qu’il s’agit d’une seule et même personne qui effectue ces déplacements et enregistre donc le temps resté dans les lieux fréquentés. Il en résulte une modélisation beaucoup plus précise et significativement améliorée de dissémination des maladies par rapport aux modèles précédents, se réjouit Vittoria Colizza*, responsable du projet. Si cette personne est porteuse d’une maladie infectieuse, elle a pu la transmettre dans trois villes différentes et non deux comme l’estimaient les modèles précédents. Cela a un impact majeur sur la transmission d’une maladie », insiste-t-elle. 

Prévoir des pandémies

Pour développer ce modèle, les chercheurs de l’Inserm ont intégré de très nombreuses données de transports provenant de près de 40 pays : flux de transports ferrés, automobiles, liaisons aériennes, taux de déplacements de nature professionnelle ou touristique... en affectant une origine aux voyageurs. « Il ne s’agit pas de modéliser une population particulière dans une ville donnée pour prévoir le nombre de cas infectés dans le mois qui va suivre afin de faire des prévisions de vaccins ou de médicaments. Il s’agit plutôt d’obtenir un modèle théorique applicable à toute ville et uniquement fondé sur des flux de voyageurs. Le résultat des équations nous permet d’évaluer le rôle de chaque aspect dans la dissémination spatiale. Il s’agit d’un outil très puissant. Notre modèle permet par exemple de savoir si une épidémie a le potentiel de devenir pandémique ou encore d’évaluer l’impact de certaines mesures comme la réduction des transports aériens ou la limitation des voyages à visée touristique sur la transmission de cette maladie », illustre-t-elle. L’équipe a déjà commencé à exploiter son nouvel outil en partenariat avec l’Institut de Veille Sanitaire. 

Note :
*Unité Inserm 707, Faculté de médecine Saint-Antoine, Université Pierre et Marie Curie, Paris 

Source :
C. Poletto et coll. Human mobility and time spent at destination : Impact on spatial epidemic spreading. J Theor Biol, édition en ligne avancée du 4 septembre 2013