Ulcère de Buruli : l’étau se resserre autour de la bactérie

La production de la toxine bactérienne responsable de l’ulcère de Buruli, une maladie émergente en Afrique, est sous contrôle de sucres spécifiques des plantes présentes dans leur environnement aquatique. L’équipe Atip Avenir Inserm qui vient de le découvrir cherche maintenant à comprendre comment se fait cette régulation, avec l’objectif d’identifier des cibles thérapeutiques.

Bientôt un nouveau remède contre l’ulcère de Buruli ? Sans y prétendre dans l’immédiat, des chercheurs de l’Inserm* estiment avoir identifié une piste intéressante pour comprendre comment la bactérie responsable de cette maladie produit sa toxine. 

Une maladie très invalidante

L’ulcère de Buruli est une maladie émergente qui sévit depuis une quinzaine d’années dans les pays tropicaux et humides d’Afrique de l’ouest tels que le Cameroun, la Côte d’Ivoire ou encore le Bénin. Elle touche principalement les enfants de moins de quinze ans. Elle n’est pas mortelle mais entraine des lésions cutanées profondes, s’accompagnant de lésions osseuses et musculaires dans les cas les plus graves. Le patient peut se retrouver avec des cicatrices très invalidantes et stigmatisantes, voir perdre l’usage de ses membres. 

La maladie est devenue la troisième mycobactériose dans le monde après la tuberculose et la lèpre. Si le nombre de cas annuels est relativement faible, environ 10 000 à travers le monde, l’infection frappe par foyers localisés et peut alors toucher jusqu’à 20 % des personnes d’un même village. Elle perturbe alors largement l’activité locale en raison de l’impossibilité de travailler ou d’hospitalisations très longues. 

Des sucres régulateurs

Les chercheurs s’intéressent depuis plusieurs années à la bactérie responsable de cette maladie, Mycobacterium ulcerans, dans le but comprendre son fonctionnement et d’identifier des pistes thérapeutiques. La bactérie croit très lentement dans des milieux aquatiques et produit une toxine cytotoxique appelée mycolactone. C’est cette substance qui entraine les lésions observées chez les patients. Cependant, les conditions de production et de régulation de la synthèse de la toxine restent obscures. 

Pour en savoir plus, les chercheurs de l’Inserm ont isolé et analysé les différents composants des algues sur lesquelles poussent naturellement M. ulcerans. Ils ont ensuite incorporés les différents composants étudiés dans des milieux de culture. C’est ainsi qu’ils ont peu constaté que la bactérie pousse plus rapidement, mais ne produit plus de toxine, lorsqu’on la cultive sur un milieu riche en carbohydrates (des sucres) issus de ces algues. 

A la recherche du mécanisme clé

« Ces carbohydrates interrompent la production de la toxine sans empêcher la croissance du germe. Reste à savoir comment », clarifie Laurent Marsollier, co-auteur des travaux. Toutes les enzymes nécessaires à la synthèse de la toxine sont là et sont fonctionnelles. Mais la mycolactone, elle, est absente. C’est comme si toute la machinerie était en place mais que le travail était interrompu », illustre-t-il. Les chercheurs tentent maintenant d’éclaircir ce mystère. « Si nous comprenons comment la production de cette toxine est régulée, alors nous trouverons surement des cibles thérapeutiques pour lutter contre l’infection », conclut-il.

Note :
*Unité 892 Inserm/Cnrs/Université d’Angers, Institut de recherche en santé IRS-UN, Nantes 

Source :
C Deshayes et coll. Regulation of Mycolactone, the Mycobacterium ulcerans Toxin, Depends on Nutrient Source. PLoS Negl Trop Dis du 14 novembre 2013, 7(11): e2502. doi:10.1371/journal.pntd.0002502