La E‑cadhérine, un nouvel acteur dans le vitiligo

Une perte d’adhésion entre les mélanocytes et d’autres cellules de la peau, les kératinocytes, serait impliquée dans l’apparition des dépigmentations de la peau qui caractérisent le vitiligo. À l’Institut Curie, une équipe Inserm a observé ce phénomène et découvert un responsable : la E‑cadhérine.

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© Inserm/M. Sebbagh Coupe d’acquisition par microscopie confocale, de cellules épithéliales rénales immunomarquées pour la protéine intercellulaire E‑cadherine (violet).

Une molécule qui permet à certaines cellules d’adhérer entre elles, la E‑cadhérine, serait-elle une clé d’un remède contre vitiligo ? Il s’agit en tout cas d’une piste très intéressante pour traiter cette dépigmentation de la peau liée à la disparition des mélanocytes, ces cellules productrices de mélanine. Des chercheurs viennent en effet de montrer qu’une diminution de la quantité de E‑cadhérine à la surface des mélanocytes est associée à leur perte et entraine une sensibilité accrue aux stress mécaniques et oxydatifs exercés sur la peau. 

Le vitiligo n’est ni contagieux, ni douloureux. Mais les taches blanches plus ou moins étendues sur le corps qui sont associées à la maladie peuvent induire des difficultés psychologiques, voire un rejet de l’entourage dans certains pays. C’est la raison pour laquelle cette maladie est loin d’être anodine. 

Les chercheurs avaient déjà des informations sur la façon dont la maladie progresse, en faisant intervenir une réaction auto-immune qui participe à la destruction des mélanocytes. Mais ils voulaient comprendre comment le vitiligo se déclenche. Pour cela, ils ont analysé des échantillons de peaux de patients, avant la dépigmentation. 

C’est ainsi qu’ils ont constaté que la E‑cadhérine, qui assure l’adhésion entre les mélanocytes et les kératinocytes, est présente en moindre quantité chez les personnes atteintes de vitiligo. Pour étudier les effets de ce phénomène, ils ont mis au point différents modèles expérimentaux, en particulier un modèle de souris dont les mélanocytes sont déficients pour la production de E‑cadhérine. Ils ont alors constaté une accélération de la perte des mélanocytes par desquamation en cas de frottement exercé sur la peau, un facteur aggravant du vitiligo. 

Épuisement des mélanocytes par le stress

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© James Heilman, MD (cc-by-sa 3.0)

La dérégulation du niveau production de la E‑cadhérine serait donc un des mécanismes précoces impliqués dans l’apparition de la maladie. Une fois cette déficience installée, les pressions, frottements mécaniques et le stress oxydatif local accélèrent la perte des mélanocytes. Ceux-ci se renouvellent plus vite à partir des cellules souches, mais le réservoir finit par s’épuiser, et la peau par s’éclaircir », détaille Lionel Larue, directeur de l’équipe* qui a conduit ces travaux. Les raisons de cette dérégulation sont pour l’heure inconnues. Pourquoi la protéine est-elle naturellement présente en plus faible concentration chez certaines personnes ? Existe-t-il des mécanismes épigénétiques favorables à une extinction de cette protéine dans les mélanocytes ? Toutes les hypothèses sont ouvertes. 

Au même moment, une équipe brésilienne vient d’identifier un polymorphisme génétique de la E‑cadhérine associé à une susceptibilité au vitiligo**. Une autre donnée renforçant l’idée selon laquelle cette protéine d’adhésion joue un rôle clé dans cette maladie d’étiologie complexe et multifactorielle. En attendant d’être mesure de relier toute la chaine d’évènements, la E‑cadhérine (ou une protéine partenaire) pourrait constituer une cible thérapeutique pour tenter de bloquer précocement la perte de mélanocytes associée à la maladie. 

Notes

* Unité 1021 Inserm/CNRS/Institut Curie, Orsay
** RG. Tarlé et coll. Exp Dermatol, édition en ligne du 22 janvier 2015 

Source

RY Wagner et coll. Altered E‑Cadherin Levels and Distribution in Melanocytes Precedes Clinical Manifestations of Vitiligo. J Invest Dermatol, édition en ligne du 29 janvier 2015