Athérosclérose

Une évolution lente, mais parfois dramatique

L’athérosclérose se caractérise par le dépôt d’une plaque essentiellement composée de lipides (on parle d’athérome) sur la paroi des artères. A terme, ces plaques peuvent entrainer la lésion de la paroi artérielle (sclérose), conduire à l’obstruction du vaisseau, ou encore se rompre, avec des conséquences souvent dramatiques. La recherche est extrêmement orientée vers la compréhension des mécanismes conduisant à la fragilisation d’une plaque et à sa rupture.

Dossier réalisé en collaboration avec Alain Tedgui, Grand Prix Inserm 2018Paris-Centre de recherche Cardiovasculaire (PARCC), unité 970 Inserm/Université Paris Descartes 

Comprendre l’athérosclérose, une altération de la paroi des artères

L’athérosclérose est une atteinte fréquente, qui se développe avec l’âge, a fortiori chez les personnes exposées à certains comportements liés à l’hygiène de vie (sédentarité, tabagisme…) et présentant des facteurs de risque cardiovasculaires (hypercholestérolémie, hypertension artérielle, …). Ainsi, la quasi-totalité des adultes seraient touchés. 

L’athérosclérose touche la paroi interne des artères, essentiellement de moyen et de gros calibre. Elle correspond à la formation de plaques d’athérome dans lesquelles des cellules inflammatoires et des lipides se réorganisent avec d’autres éléments, menant à une modification locale de l’aspect et de la nature de la paroi. Des cellules sanguines peuvent secondairement s’y associer. Leur épaississement ou leur rupture vont être responsables de manifestations cliniques potentiellement sévères, voire mortelles. 

Prisonnier du vaisseau – film d’animation pédagogique – 2 min 24 – vidéo extraite de la série A bord du Nanotilus (2011)

Quand les symptômes apparaissent...

Les plaques d’athérome sont souvent asymptomatiques. Leur épaississement peut progressivement gêner la circulation sanguine et entraîner l’apparition de symptômes : le plus souvent, cet épaississement survient au niveau des artères coronaires qui entourent le cœur, des carotides (au niveau du cou) et des artères des membres inférieurs, engendrant des symptômes localisés : douleurs, vertiges, essoufflements, instabilité à la marche… L’angor (angine de poitrine), l’accident ischémique transitoire et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) constituent les principales manifestations cliniques de l’athérome.

Les graves complications liées à l’athérosclérose découlent de la rupture des plaques, entraînant la formation d’un caillot (thrombus) qui bloque la circulation sanguine et provoque une ischémie dont les conséquences peuvent être graves ou mortelles : elle concerne une artère coronaire dans l’infarctus du myocarde (IDM), ou une artère carotide en cas d’accident vasculaire cérébral (AVC).

Symptômes cliniques et complications de l'athérosclérose. Accident vasculaire cérébral (AVC), Infarctus du myocarde (IDM), Arthériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI)

Histoire naturelle de la plaque d’athérome

La création de la plaque d’athérome dépend de l’équilibre entre les apports alimentaires en cholestérol, son taux circulant et son élimination. 

Le cholestérol de type LDL (LDL‑c) présent dans la circulation sanguine peut s’accumuler, préférentiellement à certains endroits de l’arbre vasculaire exposés à un flux sanguin turbulent (embranchements, bifurcations…) : il crée ainsi les premières lésions débutantes, nommées stries lipidiques. Il s’agit de dépôts formant des traînées lipidiques surélevées sur la paroi interne de l’artère.

Petit à petit, le LDL‑c s’y oxyde et devient inflammatoire pour la paroi interne. Afin de l’éliminer, cette dernière recrute des globules blancs (monocytes différenciés en macrophages notamment), lesquels se gorgent de LDL‑c oxydé. En dehors de tout mécanisme de régulation, les macrophages deviennent volumineux, meurent par apoptose tout en restant piégés localement. Les systèmes normaux d’élimination des débris cellulaires ne pouvant intervenir, ceux-ci s’accumulent dans la plaque d’athérosclérose qui grossit petit à petit. 

En réaction à ce mécanisme, les cellules musculaires lisses de la paroi vasculaire migrent dans la plaque afin d’essayer d’isoler cet amas cellulaire inflammatoire. Elles vont former une chape fibreuse constituée de fibres de collagène : l’ensemble forme une plaque plus ou moins rigide et stable, c’est-à-dire sans risque de rupture. 

Dans certaines conditions, les macrophages de la plaque produisent des protéases capables de digérer le collagène produit par les cellules musculaires lisses. Lorsque ce phénomène inflammatoire se chronicise, l’action des protéases sur les fibres favorise l’affinement de la chape qui devient plus fragile et peut se rompre. Dans ce cas, la paroi interne de l’artère peut se fissurer. Des plaquettes sanguines s’agrègent aux débris cellulaires et aux lipides accumulés dans la plaque, pour former un thrombus, ou caillot, qui va ralentir puis bloquer la circulation sanguine. 

Schéma d'un vaisseau avec ou sans athérosclérose
© Frédérique Koulikoff Coupe schématique d’une artère saine et d’une artère athéroscléreuse

Diagnostic et facteurs de risque

La démarche diagnostique n’est généralement envisagée que lorsque les premiers symptômes se manifestent. Ainsi, toute gêne fonctionnelle (essoufflement, douleur thoracique ou crampe musculaire des membres inférieurs à l’effort…) doit motiver la conduite d’un examen clinique, d’un bilan biologique et d’un interrogatoire précis sur les symptômes et les antécédents personnels et familiaux. 

L’interrogatoire est indispensable pour identifier les facteurs de risque d’athérosclérose. Certains d’entre eux ne sont pas modifiables : être un homme, vieillir, présenter certains facteurs génétiques. Mais d’autres le sont : 

  • le taux de cholestérol sanguin (LDL‑c élevé, HDL-c bas),
  • le tabagisme
  • l’hypertension
  • le surpoids
  • le diabète
  • le sédentarité
  • le stress
  • une alimentation trop riche
  • la consommation d’alcool

Pris globalement, ces facteurs de risque modifiables expliqueraient par exemple 90% des cas d’IDM recensés dans le monde. 

Par ailleurs, des examens comme l’électrocardiogramme, l’échographie Doppler des artères ou l’artériographie vont permettre d’observer les plaques et d’évaluer leur dangerosité en mesurant notamment leur épaisseur. 


Des facteurs de risque épisodiques

De récents travaux ont montrer que le stress émotionnel est un facteur de risque de rupture des plaques d’athérome. Ainsi, le risque d’infarctus est multiplié par 20 dans les 24 heures qui suivent le décès d’un proche et par 4 dans les semaines qui suivent. Les mécanismes de cause à effet ne sont pas encore décrits, mais une hypothèse a été proposée : une émotion vive associée à une montée d’adrénaline et à des poussées hypertensives pourraient entraîner une surcharge mécanique sur la plaque et conduire à sa rupture. 

De même, des travaux ont décrit qu’un effort physique pouvait engendrer une rupture de la chape fibreuse de la plaque d’autant plus profonde que l’effort fourni était intense. Ceci suggère un lien entre les contraintes mécaniques et la rupture de plaque. 


Prévenir et traiter

La prise en charge de l’athérosclérose est définie en fonction du contexte clinique. On distingue la prévention primaire, qui vise à éviter l’apparition des symptômes et des complications de la maladie, et la prévention secondaire qui est proposée aux patients présentant déjà des symptômes ou une complication liée à l’athérosclérose : dans ce cas, l’objectif est de réduire le risque de nouvelle complication, sur le même territoire ou sur un autre territoire vasculaire. 

Dans les deux cas, l’impact des facteurs de risque modifiables doit être limité, imposant aux patients d’adopter de meilleurs habitudes hygiénodiététiques.

Athérosclérose, Prévenir et traiter. 1: Hygiène de vie (perte de poids, activité physique, alimentation équilibrée) 2 : Médicaments pour normaliser les taux de cholestérol (statines et/ou d'autres molécules) 3 : Angioplastie coronaire avec pose d'un stent pour dilater l'artère obstruée et rétablir la circulation sanguine

En prévention primaire, un traitement médicamenteux n’est préconisé qu’en cas d’échec de ces premières mesures. Il peut néanmoins être prescrit d’emblée en cas de risque élevé de complications. Il est systématiquement préconisé en prévention secondaire après un premier évènement cardiovasculaire. 

Plusieurs classes thérapeutiques peuvent être prescrites afin de traiter les dyslipidémies : statines, fibrates, ézétimibe, cholestyramine, seuls ou en association. Les statines permettent ainsi d’abaisser le taux de LDL‑c d’environ 30% et de réduisent de 30 à 40% le risque d’accident cardiovasculaire. Après un premier accident ischémique, la prévention d’une récidive par statine est systématique. 

Une nouvelle classe de médicaments a récemment complété l’arsenal thérapeutique visant à normaliser les taux de cholestérol : les inhibiteurs de PCSK9. Cette classe thérapeutique, disponible depuis quelques années, a pu être développée dans la foulée de la découverte du gène PCSK9. La mutation de ce gène est associée à une baisse de 30% du taux de LDL‑c et à une diminution de 90% du risque d’AVC par rapport à la population non porteuse de la mutation. Des anticorps (alirocumab, évolocumab) ont été développés pour bloquer la protéine codée par ce gène, dont la présence limite physiologiquement la capacité d’élimination du LDL‑c par ses récepteurs spécifiques. Les données des essais cliniques décrivent une réduction d’environ 70% des taux élevés de LDL‑c dans les familles concernées par l’hypercholestérolémie familiale, en association aux statines. D’autres essais cliniques sont en cours afin d’évaluer leur intérêt parmi d’autres populations à risque. 

A lire aussi au sujet des inhibiteurs de PCSK9 : Catherine Boileau : L’exploratrice de l’hypercholestérolémie familiale

Par ailleurs, face aux plaques d’athérosclérose évoluées, une prise en charge interventionnelle est envisagée : une angioplastie coronaire permet ainsi de dilater la zone athéromateuse grâce à un ballonnet gonflé in situ dans l’artère présentant l’ischémie. Afin de maintenir l’ouverture du diamètre, un petit dispositif mécanique appelé stent est installé et laissé en place. Si elle est particulièrement efficace après un évènement majeur (AVC, IDM…), cette approche fait également l’objet actuel d’évaluations cliniques en prévention de ces évènements majeurs. 

Stent sur lequel a été placé un biomatériau (polymère cationique polysaccharide). Cette technique permet le transfert local de médicament ou la délivrance d'ADN/ ARN dans la paroi artérielle, pour le traitement des complications de l'athérosclérose (en particulier des resténoses). © Inserm/Didier Letourneur
Stent sur lequel a été placé un biomatériau (polymère cationique polysaccharide). Cette technique permet le transfert local de médicament ou la délivrance d’ADN/ ARN dans la paroi artérielle, pour le traitement des complications de l’athérosclérose (en particulier des resténoses). © Inserm/Didier Letourneur

Les enjeux de la recherche

Les efforts de recherche visent aujourd’hui à finaliser la compréhension des mécanismes menant de la constitution de la plaque à sa fragilisation, puis sa rupture. Ils cherchent aussi à mieux suivre l’évolution de la plaque afin d’en prévenir l’évolution et à développer des traitements toujours plus spécifiques et efficaces. 

Mieux comprendre les autres étiologies

Sur le plan épidémiologique, la recherche s’intéresse en outre à une étiologie différente : dans 10 à 20% des IDM, la plaque d’athérome est dépourvue de cellules endothéliales, pauvre en cholestérol et en médiateurs inflammatoires mais, au contraire, riche en matrice extracellulaire et en protéoglycanes. Il ne s’agit plus d’une plaque qui se fissure puis se rompt, mais d’une plaque qui s’érode. Dans ce cas, elle peut tout autant provoquer une thrombose et engendrer un IDM, étant essentiellement localisées au niveau des artères coronaires. Les mécanismes biologiques impliqués dans cette typologie de plaques sont moins bien connus, et les stratégies thérapeutiques les plus adaptées mal déterminées. La recherche est donc très active dans ce domaine, d’autant qu’il représente la majorité des cas d’IDM rapportés chez les femmes jeunes et fumeuses, présentant des taux de cholestérol normaux. 

Cibler l’inflammation

Le rôle de l’inflammation en tant que paramètre déterminant du risque de complications a notamment été récemment confirmé à travers deux études cliniques d’ampleur, dont l’étude CANTOS : celle-ci visait justement à évaluer si, à taux de cholestérol égal, les personnes dont l’inflammation chronique était traitée présentaient moins de complications liées à l’athérosclérose que les autres. Et, en effet, il est apparu que le taux de récidive ou de complications cardiovasculaires était plus élevé chez les personnes traitées seulement par statines comparativement à celles qui présentaient une inflammation réduite après un traitement anti-inflammatoire par un anticorps ciblant l’interleukine IL-1b (canakinumab). Cette preuve de concept, apportée chez des sujets à risque de récidive montre que l’inflammation qui persiste à bas bruit chez les patients présentant des plaques d’athérome peut jouer un rôle délétère sur l’évolution de la maladie. Une analyse fine des résultats de cette étude a ensuite confirmé le lien existant athérosclérose et inflammation : les personnes présentant une inflammation chronique mais ne répondant pas au traitement anti-inflammatoire présentaient un risque de complication cardiovasculaire inchangé. Étant donné que l’IL-1b est un médiateur immunitaire ubiquitaire, la recherche clinique vise maintenant à identifier d’autres effecteurs plus spécifiques, qui constitueraient de meilleures cibles. 

La mise en évidence du rôle de l’inflammation dans l’évolution de l’athérosclérose a conduit des équipes à se lancer dans la recherche d’analogies potentielles existant entre cette pathologie chronique et d’autres dont la composante inflammatoire est étudiée depuis plus longtemps. C’est par exemple le cas, dans le domaine des pathologies rhumatologiques inflammatoires chroniques (polyarthrite rhumatoïde notamment). Ainsi, des travaux de recherche sont consacrées aux interleukines : l’IL6 fait l’objet de travaux spécifiques depuis qu’il a été décrit une fréquence des complications athéromateuses plus faible chez les personnes présentant un polymorphisme du gène codant pour cette interleukine. Par ailleurs, d’autres données suggèrent que l’IL2 pourrait influencer l’équilibre entre les lymphocytes T pathogènes intervenant dans la progression de la plaque d’athérome et les lymphocytes T régulateurs qui sont protecteurs vis-à-vis de cette dernière. Des essais cliniques sont en cours sur le sujet. 

Enfin, d’autres essais préliminaires sont conduits en utilisant un traitement anti-CD20 (rituximab), qui permettrait de réduire le nombre de lymphocytes B circulants, décrits comme délétères pour l’évolution de la plaque d’athérome et de l’IDM.

Pour aller plus loin