Le microbiote intestinal en cause dans les spondyloarthrites

Les travaux d’une équipe de recherche Inserm, dirigée par Maxime Breban, confirment l’existence d’un lien entre la composition de la flore intestinale et la survenue la survenue de maladies articulaires inflammatoires, en particulier celles des spondyloarthrites. L’équipe a constaté un déséquilibre de cette flore (dysbiose) chez les patients atteints, caractérisée par une présence importante de la bactérie Ruminococcus gnavus. Le gène HLA-B27 pourrait jouer un rôle dans l’apparition de cette dysbiose.

Les spondyloarthrites (SpA) désignent un groupe de maladies articulaires inflammatoires chroniques, caractérisées par une inflammation des articulations de la colonne vertébrale et du bassin. Si le rôle de certains facteurs génétiques, tel l’allèle HLA-B27, a été bien étudié dans le déclenchement ces maladies, celui des facteurs environnementaux, en particulier le rôle possible de la flore bactérienne intestinale, est moins bien connus. 

Explorer le rôle du microbiote intestinal

« Un grand nombre de données anciennes suggèrent qu’il pourrait y avoir un lien entre l’intestin et ces maladies. Il y a par exemple 20 fois plus de maladies inflammatoires de l’intestin chez les patients atteints de SpA que dans la population générale » précise Maxime Breban*. 

Son équipe travaille depuis plusieurs années sur un modèle de rat auquel a été transféré le gène HLA-B27. Ce rat développe des manifestations typiques d’une SpA, sauf lorsqu’il est élevé en incubateur stérile. Une observation qui suggère un rôle possible de ce gène, et un lien potentiel entre les bactéries présentes dans l’environnement et le déclenchement de la maladie. 

En collaboration avec le laboratoire Micalis de l’INRA, l’équipe a débuté en 2009 une étude comparant plusieurs groupes de personnes : des patients atteints de SpA, des témoins familiaux sains, ainsi que des personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde (PR)

Une dysbiose chez les patients atteints de SpA

Microbiote intestinal © Pacific Northwest National Laboratory - PNNL
Microbiote intestinal © Pacific Northwest National Laboratory – PNNL

Pour étudier leur microbiote intestinal, les chercheurs ont réalisé le séquençage de fragments ADN bactériens retrouvé dans des échantillons de selles. Ces ADN permettent d’identifier les espèces bactériennes présentes de façon relativement spécifique.Les chercheurs ont ainsi constaté un déséquilibre des populations bactériennes (dysbiose intestinale) chez les patients souffrant de SpA ou de PR, en comparaison avec les témoins sains. 

Pour Maxime Breban, « le premier résultat important de notre étude est d’avoir constaté une raréfaction de la diversité microbienne dans le cas des deux maladies. Nous pensons que ce manque de diversité peut faire le lit de beaucoup de pathologies. »

Une seconde observation a été réalisée grâce aux témoins familiaux (génétiquement proches des patients) : les différences de microbiotes étaient beaucoup plus faibles entre les patients et les témoins sains porteurs du gène HLA-B27, qu’entre les patients et les témoins non-porteurs. Ce gène pourrait donc être en lui-même associé à une dysbiose intestinale. 

La bactérie Ruminococcus gnavus en cause

Le troisième constat de l’étude est la présence d’une forte proportion de bactéries Ruminococcus gnavus dans la flore intestinale des patients atteints de SpA, caractérisant la dysbiose associée à cette pathologie. 

« Nous nous sommes rendus compte que l’activité de la SpA était corrélée avec la proportion de R. gnavus retrouvée dans les selles. L’hypothèse est donc qu’une dysbiose qui favoriserait la présence de cette bactérie pourrait engendrer des maladies inflammatoires articulaires ».

R. gnavus est une bactérie commensale habituelle de l’intestin. Cette bactérie clive et dégrade le mucus intestinal qui protège l’épithélium intestinal de l’action des bactéries. En cas de surabondance de cette bactérie, la dégradation trop importante du mucus pourrait engendrer une inflammation au niveau de l’épithélium intestinal. Quel lien alors avec les maladies articulaires telles les SpA ? Les chercheurs émettent deux hypothèses : une première possibilité serait que la production de médiateurs de l’inflammation au niveau de l’intestin agisse via la circulation sanguine sur la zone d’attache des ligaments à l’os (l’enthèse), touchée par l’inflammation dans les SpA. Des lymphocytes T spécifiques de l’enthèse pourraient réagir aux médiateurs et déclencher l’inflammation articulaires. La seconde hypothèse est que l’inflammation intestinale pourrait engendrer une plus grande perméabilité intestinale, qui favoriserait le passage de débris microbiens ensuite véhiculés jusqu’aux articulations. 

Note

* Maxime Breban est professeur de rhumatologie, spécialisé dans la prise en charge des rhumatismes inflammatoires et en particulier des SpA, chef du service de rhumatologie à l’hôpital Ambroise Paré , et co-directeur du Laboratoire 2IC (unité Inserm/Université de Versailles-St-Quentin). Il est également co-fondateur et responsable scientifique du site SPONDY+ , portail internet dédié aux patients souffrant de SpA. 

Source

M. Breban et coll. Faecal microbiota study reveals specific dysbiosis in spondyloarthritis. Ann Rheum Dis, édition en ligne du 12 juin 201