Gras et muscle ne font pas bon ménage

L’excès de masse grasse des patients atteints d’obésité et/ou de diabète de type 2 entraine une atrophie musculaire. Ce lien de cause à effet est dû aux dysfonctionnements du tissu adipeux de ces patients, entraînant à une baisse d’expression des protéines de contraction musculaire.

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© Inserm, D. Estève Améliorer le métabolisme des obèses 

Voilà une raison supplémentaire pour inciter les personnes atteintes d’obésité et/ou de diabète de type 2 à pratiquer une activité physique ! Leur maladie s’accompagne d’une atrophie musculaire qui pourrait être partiellement compensée par de l’exercice. Une équipe Inserm vient en effet de montrer que la masse grasse abdominale, facteur de risque de diabète et de maladies cardio-vasculaires, secrète des molécules qui induisent indirectement la baisse d’expression de protéines de contraction musculaire, conduisant à une atrophie des muscles.

Une atrophie musculaire bien réelle

Le lien entre masse grasse et affaiblissement musculaire avait déjà été pointé du doigt par de précédentes études. Cette fois, les chercheurs ont clarifié cette association en procédant à des travaux sur des cellules humaines en culture. Des adipocytes viscéraux (responsables de l’excès de masse grasse abdominale) et sous-cutanés ont été isolés chez des sujets obèses candidats à de la chirurgie bariatrique*, puis placés en culture avec des cellules musculaires humaines saines. Les chercheurs ont ensuite analysé la composition du milieu de culture et ont observé une surreprésentation de certains facteurs d’inflammation tels que IL‑6 et IL-1b, par ailleurs impliqués dans le développement du diabète. Ils ont ensuite étudié l’expression des gènes associés au fonctionnement des cellules musculaires et ont mis en évidence une baisse d’expression de gènes codant pour des protéines de contraction des muscles, dont la troponine, la titine et la myosine. La diminution de la concentration des protéines correspondantes pouvait atteindre 50%. « L’effet est plus faible avec les adipocytes sous-cutanés qu’avec les viscéraux qui sont particulièrement inflammés en cas d’obésité et de diabète », précise Danièle Lacasa**, coauteur des travaux. 

Des cibles thérapeutiques à identifier

La chaîne de signaux entre inflammation et baisse d’expression des protéines contractiles reste à clarifier. « Exposer des cellules musculaires aux facteurs Il‑6 et Il‑1b ne suffit pas à entraîner une atrophie, clarifie la chercheuse. En outre, l’atrophie peut être inhibée par l’action de facteurs de croissance dans des cellules musculaires ». Ces mécanismes font donc probablement intervenir plusieurs facteurs qui pourraient agir en cascade. 

Le rôle des molécules identifiées dans le cadre de cette étude doit être confirmé par étude conduite sur une cohorte importante de sujets obèses et/ou diabétiques : si ces premiers résultats sont validés, certaines molécules pourraient légitimement constituer des cibles thérapeutiques pour réduire l’atrophie musculaire observée chez les patients. C’est particulièrement le cas d’IL-1b, un facteur contre lequel des anticorps neutralisant spécifiques sont actuellement en développement. 

En attendant, ces résultats confirment l’intérêt d’une activité physique régulière chez les personnes atteintes d’obésité et/ou de diabète de type 2 : elle devrait pouvoir contrecarrer, au moins partiellement, leur perte musculaire. 

Notes

*traitement chirurgical de l’obésité visant à modifier le système digestif pour diminuer la prise alimentaire (anneau gastrique) ou l’absorption des nutriments au cours de la digestion (by-pass).

**unité 1166 Inserm/Université Pierre et Marie Curie, Unité de recherche sur les maladies cardiovasculaires, du métabolisme et de la nutrition (ICAN), Paris 

Source

V. Pellegrinelli et coll. Human adipocytes induce inflammation and atrophy in muscle cells during obesity. Diabetes, édition en ligne du 18 février 2015