Gaëlle Offranc Piret : « Quand les nanomatériaux pourront améliorer la vie des personnes paralysées »

Avec des matériaux structurés à l’échelle du nanomètre, Gaëlle Piret espère améliorer les performances des implants cérébraux qui permettent d’enregistrer les influx nerveux. A terme, l’objectif est de parvenir à rendre certaines compétences aux personnes handicapées.

Gaëlle Offranc Piret

Comment passe-t-on de la physique pure à la perspective médicale d’implants cérébraux ?

Pour tout dire, avant mes études universitaires, j’aimais tous les domaines scientifiques, de la chimie à la biologie, et encore la physique. J’ai fait le choix de cette dernière par curiosité. J’ai ensuite choisi un master sur les micro-nanotechnologies, notamment parce que c’est un sujet transversal. Et dès mes travaux de thèse, j’ai pu lier ces sujets : s’ils concernaient surtout les questions fondamentales permettant de décrire les mécanismes d’interactions entre des cellules et une surface synthétique nanostructurée, l’objectif était de développer une méthode ultrasensible de détection et de caractérisation des protéines intracellulaires. 

Ensuite, durant mon post-doctorat, je me suis concentrée sur les cellules nerveuses : comprendre leurs interactions avec des nanomatériaux présentait un intérêt dans le développement d’implants rétiniens destinés aux malvoyants. L’idée était de piéger des neurones sur l’implant pour qu’il soit fonctionnel. Mes travaux ont montré que la géométrie micro et nanométrique de la surface avait une importance fondamentale dans ce processus : elle permet notamment de promouvoir l’adhésion des neurones et la croissance de leurs neurites et axones

C’est avec ce bagage que j’ai intégré le laboratoire Braintech (unité Inserm 1205) à Grenoble : j’ai pu y intégrer cette compétence en nanotechnologie. Et avec le financement que j’ai reçu du Conseil européen de la recherche (ERC – Starting Grant), je travaille à l’optimisation d’électrodes cérébrales implantables à visée thérapeutique. 

En quoi les micro-nanotechnologies permettent-elles d’innover dans le domaine des implants cérébraux ?

En jouant sur la géométrie et le matériau utilisé, nous pouvons améliorer la croissance des neurites et donc améliorer la fonctionnalité des implants. Parce que les fils de l’implant sont à la fois souples, et extrêmement fins, et que les électrodes sont micro-nanostructurées, l’implant est mieux toléré, ce qui limite la création d’un tissu cicatriciel. En outre, les électrodes ont une plus grande surface d’échange, ce qui améliore leurs performances d’enregistrement des signaux de neurones par rapport aux électrodes de rugosité nulle ou faible aujourd’hui disponibles. 

Cela nous permet de penser que ces électrodes pourraient offrir de nouvelles perspectives : les dispositifs qui existent aujourd’hui permettent aux personnes tétraplégiques, après un long entraînement, de faire bouger un bras articulé qui mime les gestes auxquelles elles pensent. Avec des implants et électrodes plus performants, on peut imaginer capter puis matérialiser des commandes cérébrales plus complexes : les personnes ayant perdu la capacité de parler pourraient par exemple transmettre leurs signaux corticaux liés aux mouvements articulatoires permettant la parole à un synthétiseur vocal. Cette possibilité est l’objet d’un projet développé par Blaise Yvert au sein de notre unité de recherche. 

Vous bénéficiez d’un financement européen (ERC – Starting Grant) depuis aout 2015. Quelles avancées avez-vous réalisées depuis ?

Le financement européen nous a permis de compléter les compétences présentes au sein du laboratoire afin d’accélérer le processus de développement. Et il n’est pas certain que j’aurais pu conduire ce projet sans ce soutien européen : sa transversalité – entre ingénierie et biologie – reste complexe à financer par les dispositifs conventionnels. 

Avec l’équipe de 5 personnes qu’il m’a permis de rassembler, nous finalisons deux principaux aspects avant de passer aux études précliniques : en premier lieu, nous essayons d’intégrer les matériaux qui offrent actuellement les meilleures performances, et donc d’obtenir des électrodes micro-nanostructurées d’or ou de diamant dopé par exemple. Nous mettons aussi au point les méthodes de microchirurgie qui permettront d’implanter ces dispositifs. Pour cela, étant donné les dimensions des implants et des électrodes, nous travaillons à leur encapsulation dans un matériau biodégradable qui faciliterait leur mise en place puis se résorberait progressivement pour les rendre fonctionnelles. Et grâce à l’ERC, nous disposons de l’ensemble des compétences pour cela. 

En savoir plus sur Gaëlle Offranc Piret 

Gaëlle Offranc Piret travaille au sein de l’Unité Inserm U1205 du centre de recherche Braintech à Grenoble dont les activités sont reparties sur les sites du CEA-Léti, de l’université UGA et de l’hôpital CHUGA et collabore avec l’ESIEE à Paris, le LAAS à Toulouse, et l’ESME à Gardanne. Elle dirige le projet BRAIN MICRO SNOOPER, ERC 640151.