Les activités artistiques apportent un bénéfice cognitif à tout âge

Faire du théâtre ou de la musique améliore plusieurs de nos aptitudes cognitives, différentes selon l’art pratiqué. Et le bénéfice, significatif tout au long de la vie, est davantage lié à la régularité de l’exercice qu’à son ancienneté. Issus de travaux conduits par une équipe caennaise, ce constat invite à débuter de telles activités quel que soit son âge, avec peut-être à la clé un meilleur vieillissement cognitif.

Pratiquer régulièrement une activité artistique améliore les fonctions cognitives, et cela à tout âge. C’est ce que vient de montrer l’équipe Maladies associées au vieillissement, codirigée par Hervé Platel au sein du laboratoire Neuropsychologie et imagerie de la mémoire* à Caen. Pour cela, les chercheurs ont comparé les performances de personnes âgées de 18 à 80 ans, qui font du théâtre, de la musique, ou aucune activité de ce type. 

Le bénéfice de la musique sur la cognition était déjà connu : elle améliore la plasticité cérébrale et accroît les performances des musiciens à différents tests cognitifs, par rapport aux mêmes performances mesurées chez des personnes qui ne jouent pas d’un instrument. Mais l’effet du théâtre n’était pas prouvé. Supposant que cette activité pouvait également avoir un impact positif sur la cognition, les chercheurs ont comparé son effet à celui de la musique. L’étude a été conduite sur 46 acteurs qui jouent plus de quatre heures par semaine depuis plus de trois ans, 50 musiciens issus de conservatoires qui s’exercent à leur instrument à cette même fréquence, ainsi que 50 personnes « témoins » qui ne pratiquent aucune activité artistique régulière. Les acteurs et musiciens n’étaient pas des « professionnels » : ils avaient tous un autre métier et pratiquaient leur art en tant que hobby. 

Une batterie de tests (exercices et questionnaires) a permis d’explorer différentes composantes cognitives chez l’ensemble de ces volontaires : vitesse de traitement de l’information, mémoire de travail, raisonnement, repères dans l’espace, mémoire verbale ou encore expression orale. 

Les résultats confirment que les musiciens sont plus performants que les sujets témoins pour plusieurs paramètres : la vitesse d’exécution, le raisonnement non verbal, la mémoire de travail et la mémoire visuo-spatiale à long-terme. « Ces compétences facilitent l’organisation au quotidien et permettent par exemple une bonne planification des tâches », précise Mathilde Groussard, premier auteur de ces travaux. Mais les acteurs n’étaient pas en reste : ils ont été les plus performants sur d’autres items, en particulier la mémoire et la fluence verbales, des fonctions cognitives utiles à la qualité du langage oral. Ces aptitudes spécifiques sont certainement liées à leur pratique régulière de l’apprentissage de textes et aux stratégies qu’ils mettent en place pour les retenir. 

Un bénéfice à tout âge

« Ces deux groupes se sont distingués du groupe témoin par des capacités cognitives meilleures. Mais ils se distinguent aussi entre eux, avec des améliorations de la cognition différentes, clarifie Mathilde Groussard. Ce qui est encore plus intéressant, c’est que ces bénéfices sont observés à tous les âges et qu’ils sont davantage associés à la régularité de la pratique qu’à son ancienneté. » Ces dernières observations sont très importantes : elles pourraient signifier que commencer une activité artistique tardivement peut toujours apporter un bénéfice sur les fonctions cognitives, sous réserve d’une pratique régulière plusieurs heures par semaine. « On sait que les fonctions exécutives et la fluence verbale déclinent avec l’âge. Il s’agit d’un processus du vieillissement physiologique, mais qui peut être accéléré chez certains, notamment en cas de troubles cognitifs d’origine neurodégénérative, comme la maladie d’Alzheimer, rappelle Mathilde Groussard. Promouvoir les activités artistiques, à tous les âges de la vie, pourrait permettre de préserver ces fonctions plus longtemps, tout en améliorant la qualité de vie grâce des interactions sociales et au plaisir de jouer. La composante “plaisir” est évidemment essentielle ! Elle doit être une priorité puisque personne ne s’engagera durablement dans une pratique de plusieurs heures par semaine sans en tirer une satisfaction personnelle », souligne la chercheuse. 

Dans le contexte sanitaire que nous vivons, ces résultats conduisent en outre à se poser la question de la place donnée à ce type d’activité : « Au cours des derniers mois, l’épidémie de Covid-19 et les restrictions qu’elle a imposées ont mis un coup d’arrêt à de nombreuses activités artistiques, avec notamment la fermeture des conservatoires et des théâtres. Or cette étude indique combien ces pratiques participent à la construction et à l’entretien des facultés intellectuelles : elles sont peut-être aussi importantes que l’éducation, l’activité physique, ou le travail ! », estime Mathilde Groussard. Une raison de plus pour désirer un retour à la vie normale le plus rapidement possible ! 

Note :
*unité 1077 Inserm/Université de Caen Basse-Normandie/EPHE

Source : M. Groussard et coll. Do Musicians Have Better Mnemonic and Executive Performance Than Actors ? Influence of Regular Musical or Theater Practice in Adults and in the Elderly. Front Hum Neurosci du 15 septembre 2020. DOI : 10.3389/fnhum.2020.557642