Les cellules souches dépendent du rythme circadien

Une équipe Inserm vient de montrer que le rythme circadien intervient dans la biologie des cellules souches mésenchymateuses humaines. Une avancée importante dont l’application clinique reste toutefois lointaine.

De nombreuses fonctions de l’organisme – l’alternance veille/sommeil, mais aussi différents processus métaboliques ou physiologiques – fluctuent spontanément selon un rythme d’environ 24 heures appelé rythme circadien. Cette horloge interne, recalée tous les jours sur le cycle solaire, est essentielle à l’adaptation des organismes à leur milieu. « Des travaux récents suggèrent une influence du rythme circadien sur la biologie de certaines cellules souches » souligne Jérôme Larghero, qui dirige une équipe Inserm* spécialisée à la fois dans l’étude fondamentale et l’utilisation clinique de ces cellules. Toutefois, aucun résultat ne concernait jusqu’ici les cellules souches mésenchymateuses humaines (hMSCs). Présentes dans différents tissus adultes (moelle osseuse, tissu adipeux, etc.) et capables de se différencier en cellules graisseuses, osseuses ou cartilagineuses, les hMSCs sont très étudiées en vue de leur utilisation en thérapie cellulaire.

Des perturbations chimiques ou génétiques

L’équipe a exploré, in vitro, l’influence du rythme circadien sur des hMSCs issues de la moelle osseuse de donneurs sains. Après les avoir synchronisées et vérifié que les gènes impliqués dans le rythme circadien s’expriment bien chez elles, les chercheurs ont perturbé ce rythme et observé l’impact de cette opération sur leurs « performances ». Ils se sont intéressés à leurs capacités de prolifération, de migration et de différentiation en cellules adipeuses ou osseuses, ainsi qu’à leur cycle de division. 

L’équipe a utilisé deux méthodes de blocage du cycle. La voie chimique consistait à ajouter au milieu de culture un inhibiteur d’une enzyme clé, la GSK-3β. Cependant la GSK-3β n’intervient pas que dans le rythme circadien. Pour agir de manière plus spécifique, il a fallu bloquer – ou plus exactement fortement diminuer – l’expression de deux gènes constitutifs du rythme circadien : CLOCK et PER2. Pour cela, les chercheurs ont utilisé de petits ARN interférents spécifiques de chaque gène. 

Résultat : que ce soit par voie chimique ou génétique, le blocage du rythme circadien inhibe la différenciation des hMSCs en cellules adipeuses. Il a va de même, de manière moins nette, pour la transformation en cellules osseuses. Les capacités de migration sont également amoindries, et le cycle de division altéré. « Nous n’avons pas pu intervenir sur tous les composants connus du rythme circadien, mais il semble d’ores et déjà clair qu’interférer avec ce rythme altère les propriétés fonctionnelles des cellules souches mésenchymateuses » conclut Jérôme Larghero. 

Pas encore d’application clinique

Première observation in vitro de ce type d’impact sur des hMSCs natives, ce résultat constitue une indéniable avancée de la connaissance. En revanche, il n’ouvre guère de perspectives cliniques en l’état actuel. « Si nous avions obtenu une augmentation de la prolifération, ou une amélioration de la différentiation, nous aurions pu envisager d’utiliser l’inhibiteur chimique en culture, en vue d’une réimplantation. Ce n’est pas le cas, bien au contraire » regrette le chercheur. 

L’équipe étend désormais ses travaux à d’autres types de cellules souches. Elle a en particulier entamé un travail sur les progéniteurs endothéliaux, des cellules circulantes qui participent à la réparation des vaisseaux sanguins lésée, ou la création de nouveaux vaisseaux. Il s’agit alors de vérifier in vitro l’impact du rythme circadien sur la formation des vaisseaux sanguins. 

Note

* unité 1160 Inserm/Université Paris Diderot et CIC Biothérapie, hôpital Saint-Louis, Paris 

Source

H Boucher et coll., Circadian Clock Genes Modulate Human Bone Marrow Mesenchymal Stem Cell Differentiation, Migration and Cell Cycle, PLoS One du 7 janvier 2016 

DOI:10.1371/journal.pone.0146674